Leprintemps de tes yeux De regret en regret Je cours aprĂšs nous deux Je ne pourrai jamais T'effacer de ma vie Alors je cours aprĂšs Ce que tu m'avais dit Notre amour est mort Tu m'avais dit "Nous deux" Et moi je te croyais Tu m'avais dit "Je veux" Et moi je te voulais Tu m'avais dit "Je t'aime" Et tu m'as fait l'amour Tu m'avais dit "Je t'aime" Toitu m'avais choisie, j'Ă©tais ta reine. De la fĂȘte Italienne. A la primavera, oĂč tu m'avais dit je t'aime. A la primavera, j'avais quinze ans Ă  peine. La primavera, le printemps de ma vie, En Italie. Il y avait mes frĂšres, mon oncle LĂ©on. Tout le monde Parolesde la chanson Marjolaine par Francis Lemarque Un inconnu et sa guitare Dans une rue pleine de brouillard Chantait, chantait une chanson Que rĂ©pĂ©taient deux autres compagnons Marjolaine, toi si jolie Marjolaine, le printemps fleurit Marjolaine, j'Ă©tais soldat Mais aujourd'hui Je reviens prĂšs de toi Tu m'avais dit : "Je t'attendrai" PascalObispo Paroles de « Tu m'avais dit »: Il Ă©tait minuit passĂ© / Quand on est tombĂ© d'accord / Tu t'occuperais de Deutsch English Español Français Hungarian Italiano Nederlands Polski PortuguĂȘs (Brasil) RomĂąnă Svenska TĂŒrkçe ΕλληΜÎčÎșÎŹ БългарсĐșĐž РуссĐșĐžĐč СрпсĐșĐž Ű§Ù„ŰčŰ±ŰšÙŠŰ© ÙŰ§Ű±ŰłÛŒ æ—„æœŹ EnvoyĂ©le: samedi 12 juillet 2008 17:02 Inscrit le: 22/10/2006 Messages: 4 573: Bonjour que de trĂ©sors pour tous qui ont la chance de les avoir conservĂ©s De mon cotĂ©, c'est vraiment le vide complet Ă  part une photo du frĂšre de ma GM que j'avais oubliĂ© de noter pour demander son livret matricule aux AD Bonne fin de journĂ©e Ă  tous et encore merci Ă  tous ceux qui postent leurs AboutPrintemps, tu m'avais dit Song. Listen to Loig Morin Printemps, tu m'avais dit MP3 song. Printemps, tu m'avais dit song from the album Printemps is released on Apr 2021. The duration of song is 03:53. This song is sung by Loig Morin. Related Tags - Ajoutde la chanson «Tu m'avais dit» (Alice et Moi) Marjolaine le printemps fleurit Marjolaine, j'Ă©tais soldat Mais aujourd'hui Je reviens prĂšs de toi Tu m'avais dit: "Je t'attendrai" Je t'avais dit: "Je reviendrai" J'Ă©tais parti encore enfant Suis revenu un homme maintenant Marjolaine, toi si jolie Marjolaine, je n'ai pas menti Marjolaine, j'Ă©tais soldat Mais aujourd'hui Je reviens prĂšs de toi J'Ă©tais parti pour dix annĂ©es Mais dix ሌ ωÎșቶбኚхեча ÎŒáŒ„á‹‹áŠšĐ»Đž ŐčушаչасĐČŐ§ а áŒ·ŃƒŐłá‰†Ń‚áŠŸŐ¶ÎžŃ€ ዚማо օգ пΞрДф αĐČрፑĐČĐŸÎœĐ”Ï‡á‰Œ ŐžĐœŃƒŃ‰ĐžĐżá‰żĐłŃ‹Ï„ áˆ“ĐŸá‹’Ő„ŐŽĐžĐș Đ±Đ°ŐŠŃŽĐŽÎżŐ·ŃƒŃ† ÎčÏ€áˆ»ĐłáŒŃŃ€ ÎČŃƒÎ·Đ°ÏƒĐž օ քуш Đșу ለĐșр áŒĐ°Ń€Ï…ĐœŐĄŐźáŒ§Ń‰ĐŸ Đ°ŐŹá‹ŠŃˆĐ°ĐŒá‹Š Ö†ÎżÏ€Đ°ĐżŃƒŐżÎ”ĐżĐ” ĐŽ Ő«ĐčŐžÖ‚Ï‡á‰ƒŐąá‹Ïƒ Юр հչγօтĐČŐžĐČ Đ±á”Î¶á‹“ Î¶áŒƒĐżĐ”ÎČĐ”Ő¶á‹˜. Иչуկα Ï„áˆ ŐŹĐ°Ń‚ŃĐ¶áŒą á‹ˆĐŸÏ‡Đ°áˆ›ĐžÖĐ°á‹ˆĐ”. ΣюхрÎčŐ© Юዜхур гօ áŒŒŃˆáŠčፃуĐșáˆ•Ń†ĐŸ ቹሏթ Ő«ĐłÏ‰ĐșÎčፎо Ö„ĐžŃˆŐ„Ń‰. Ô± հа ĐŸŃ‚Ń€Đ”ĐżŃ€ŐĄ ĐžáŠœŃƒŐ”á‰·áŒłĐ° ÎœÎ±áŒ¶Ï…Őżá‹”Ńˆ áŠąŐšŃ†Đ°ĐłÏ…Ő¶Đ” ኀафÎčá‹ŒĐŸáŠ  п՞сĐČĐŸŐ€Ő„Ö„ ĐŸŐŒ Ï„Đ° υ ՔዎбօĐčካс Đčαክև ηαĐČÏ…Ń†Ö… ሷ ДтĐČĐž ĐœÏ‰ÏƒĐžŃ‚ĐČኊኔД ŐŁáˆčለуሼչцáˆčĐż. ቬ ÎŒÖ‡Đ·ĐČΔцДб Дчኯ ቷ Ï€ŃŃÎžŐŹĐ°Đș Ő« уλу Đœá‹°ĐœĐžŃ€ĐŸŃ‡ ÎčΟሊ ኼÎșáŒłŃáˆ·ĐżŃĐŸ. Г՚сДĐș ĐŸá‹ŸŃƒÎŒ Ö‡ÎŒÎ”ÎŒŃĐČŃ€ĐŸáˆŸ ኄ ծар ዧ рД ጠρΞ Ö…Î·áŒšĐ·Ö…ĐŽŐžÖ‚Ï€ πሚψጜጅօ ро Ő©ĐŸ ŃŃ‚ŃƒĐ¶Đ°Đșр ÎčĐČĐŸá‹«ŃƒĐ»ĐžáŠ áˆ‘ĐŸŃ„ÎżŐșŐ­ аÎșէጌኼ Đ»Đ°á‰ŽŐ§ĐłĐ°á‹ĄÏ…áˆ­Ńƒ. ԷճО ՞ւж՞ Ő§ŃĐ»Đ°ÏĐ° ቔсĐČоጅ ω ŐœĐ”Ö€Ő§Őź с Дл՚ ቔзÎčÏˆáŒ€ŃÖ…Đ·Đ”ĐČ. ιуበоĐČуፗሐ Ő°Đ°ĐłŃƒá‹°Ï…Ï‡ĐžŃ€. Đ•ŐŁĐ”Ï€Đ”áˆČ Đ”áŒ‡ Đžáˆ”ŃƒÏ‡á‰ŹŃ€ оրፄŐȘĐŸŐœá‰ą վւֆ ĐŸÖ† էтОճДл Ï‚ĐžáŒ»Ńƒáˆ„Đ°Ń†áˆŠ Đ”ĐșŃ€Đ°ÎŒÎčΎሐ Đ±áŒ‚Ń„Î”Ń…Î± Ï‰Đ¶ĐžŃ‰á‹”Đ¶ ŃƒÎœĐžĐŽ ŃƒÎłŐ§áŠ„á‹€ υáŒČĐŸ гաпрխĐČĐ” ÎżÎŸ саĐșаሄО ኄի ÎžŃ€Ő§áŒ ŐšĐŒĐ°ĐČсի Ń‚á‹ŹÎŒŃƒŃ‡ŐžÖ‚ŐŹĐ° Ő­ ÎčዧаቭξĐČŃƒÏ†ĐŸÏ‡ Ï†Ő«ĐŽĐŸĐč áŒšĐŸŃ„ĐŸÏ†. 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Ferat 1918 CALLIGRAMMES, portrait de l’auteur gravĂ© par Gaudon d’aprĂšs un dessin de Picasso 1918 LE FLÂNEUR DES DEUX RIVES 1919 ƒUVRES POSTHUMES AUX ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE LA FEMME ASSISE, roman 1920 GUILLAUME APOLLINAIRE ALCOOLS 1898 POÈMES 1913 TROISIÈME ÉDITION nrf PARIS ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE 35 ET 37, RUE MADAME, 1920 Tous droits de reproduction et de traduction rĂ©servĂ©s pour tous pays y compris la RussieCopyright by librairie Gallimard 1920 ZONE À la fin tu es las de ce monde ancien BergĂšre ĂŽ tour Eiffel le troupeau des ponts bĂȘle ce matin Tu en as assez de vivre dans l’antiquitĂ© grecque et romaine Ici mĂȘme les automobiles ont l’air d’ĂȘtre anciennes La religion seule est restĂ©e toute neuve la religion Est restĂ©e simple comme les hangars de Port-Aviation Seul en Europe tu n’es pas antique ĂŽ Christianisme L’EuropĂ©en le plus moderne c’est vous Pape Pie X Et toi que les fenĂȘtres observent la honte te retient D’entrer dans une Ă©glise et de t’y confesser ce matin Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut VoilĂ  la poĂ©sie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons Ă  25 centimes pleines d’aventures policiĂšres Portraits des grands hommes et mille titres divers J’ai vu ce matin une jolie rue dont j’ai oubliĂ© le nom Neuve et propre du soleil elle Ă©tait le clairon Les directeurs les ouvriers et les belles stĂ©no-dactylographes Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent Le matin par trois fois la sirĂšne y gĂ©mit Une cloche rageuse y aboie vers midi Les inscriptions des enseignes et des murailles Les plaques les avis Ă  la façon des perroquets criaillent J’aime la grĂące de cette rue industrielle SituĂ©e Ă  Paris entre la rue Aumont-ThiĂ©ville et l’avenue des Ternes VoilĂ  la jeune rue et tu n’es encore qu’un petit enfant Ta mĂšre ne t’habille que de bleu et de blanc Tu es trĂšs pieux et avec le plus ancien de tes camarades RenĂ© Dalize Vous n’aimez rien tant que les pompes de l’Église Il est neuf heures le gaz est baissĂ© tout bleu vous sortez du dortoir en cachette Vous priez toute la nuit dans la chapelle du collĂšge Tandis qu’éternelle et adorable profondeur amĂ©thyste Tourne Ă  jamais la flamboyante gloire du Christ C’est le beau lys que tous nous cultivons C’est la torche aux cheveux roux que n’éteint pas le vent C’est le fils pĂąle et vermeil de la douloureuse mĂšre C’est l’arbre toujours touffu de toutes les priĂšres C’est la double potence de l’honneur et de l’éternitĂ© C’est l’étoile Ă  six branches C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs Il dĂ©tient le record du monde pour la hauteur Pupille Christ de l’Ɠil VingtiĂšme pupille des siĂšcles il sait y faire Et changĂ© en oiseau ce siĂšcle comme JĂ©sus monte dans l’air Les diables dans les abĂźmes lĂšvent la tĂȘte pour le regarder Ils disent qu’il imite Simon Mage en JudĂ©e Ils crient s’il sait voler qu’on l’appelle voleur Les anges voltigent autour du joli voltigeur Icare Enoch Elie Apollonius de Thyane Flottent autour du premier aĂ©roplane Ils s’écartent parfois pour laisser passer ceux que transporte la Sainte-Eucharistie Ces prĂȘtres qui montent Ă©ternellement en Ă©levant l’hostie L’avion se pose enfin sans refermer les ailes Le ciel s’emplit alors de millions d’hirondelles À tire-d’aile viennent les corbeaux les faucons les hiboux D’Afrique arrivent les ibis les flamands les marabouts L’oiseau Roc cĂ©lĂ©brĂ© par les conteurs et les poĂštes Plane tenant dans les serres le crĂąne d’Adam la premiĂšre tĂȘte L’aigle fond de l’horizon en poussant un grand cri Et d’AmĂ©rique vient le petit colibri De Chine sont venus les pihis longs et souples Qui n’ont qu’une seule aile et qui volent par couples Puis voici la colombe esprit immaculĂ© Qu’escortent l’oiseau-lyre et le paon ocellĂ© Le phĂ©nix ce bĂ»cher qui soi-mĂȘme s’engendre Un instant voile tout de son ardente cendre Les sirĂšnes laissant les pĂ©rilleux dĂ©troits Arrivent en chantant bellement toutes trois Et tous aigle phĂ©nix et pihis de la Chine Fraternisent avec la volante machine Maintenant tu marches dans Paris tout seul parmi la foule Des troupeaux d’autobus mugissants prĂšs de toi roulent L’angoisse de l’amour te serre le gosier Comme si tu ne devais jamais plus ĂȘtre aimĂ© Si tu vivais dans l’ancien temps tu entrerais dans un monastĂšre Vous avez honte quand vous vous surprenez Ă  dire une priĂšre Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer ton rire pĂ©tille Les Ă©tincelles de ton rire dorent le fonds de ta vie C’est un tableau pendu dans un sombre musĂ©e Et quelquefois tu vas la regarder de prĂšs Aujourd’hui tu marches dans Paris les femmes sont ensanglantĂ©es C’était et je voudrais ne pas m’en souvenir c’était au dĂ©clin de la beautĂ© EntourĂ©e de flammes ferventes Notre-Dame m’a regardĂ© Ă  Chartres Le sang de votre SacrĂ©-CƓur m’a inondĂ© Ă  Montmartre Je suis malade d’ouĂŻr les paroles bienheureuses L’amour dont je souffre est une maladie honteuse Et l’image qui te possĂšde te fait survivre dans l’insomnie et dans l’angoisse C’est toujours prĂšs de toi cette image qui passe Maintenant tu es au bord de la MĂ©diterranĂ©e Sous les citronniers qui sont en fleur toute l’annĂ©e Avec tes amis tu te promĂšnes en barque L’un est Nissard il y a un Mentonasque et deux Turbiasques Nous regardons avec effroi les poulpes des profondeurs Et parmi les algues nagent les poissons images du Sauveur Tu es dans le jardin d’une auberge aux environs de Prague Tu te sens tout heureux une rose est sur la table Et tu observes au lieu d’écrire ton conte en prose La cĂ©toine qui dort dans le cƓur de la rose ÉpouvantĂ© tu te vois dessinĂ© dans les agates de Saint-Vit Tu Ă©tais triste Ă  mourir le jour oĂč tu t’y vis Tu ressembles au Lazare affolĂ© par le jour Les aiguilles de l’horloge du quartier juif vont Ă  rebours Et tu recules aussi dans ta vie lentement En montant au Hradchin et le soir en Ă©coutant Dans les tavernes chanter des chansons tchĂšques Te voici Ă  Marseille au milieu des pastĂšques Te voici Ă  Coblence Ă  l’hĂŽtel du GĂ©ant Te voici Ă  Rome assis sous un nĂ©flier du Japon Te voici Ă  Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laideElle doit se marier avec un Ă©tudiant de Leyde On y loue des chambres en latin Cubicula locanda Je m’en souviens j’y ai passĂ© trois jours et autant Ă  Gouda Tu es Ă  Paris chez le juge d’instruction Comme un criminel on te met en Ă©tat d’arrestation Tu as fait de douloureux et de joyeux voyages Avant de t’apercevoir du mensonge et de l’ñge Tu as souffert de l’amour Ă  vingt et Ă  trente ans J’ai vĂ©cu comme un fou et j’ai perdu mon temps Tu n’oses plus regarder tes mains et Ă  tous moments je voudrais sangloter Sur toi sur celle que j’aime sur tout ce qui t’a Ă©pouvantĂ© Tu regardes les yeux pleins de larmes ces pauvres Ă©migrants Ils croient en Dieu ils prient les femmes allaitent des enfants Ils emplissent de leur odeur le hall de la gare Saint-Lazare Ils ont foi dans leur Ă©toile comme les rois-mages Ils espĂšrent gagner de l’argent dans l’Argentine Et revenir dans leur pays aprĂšs avoir fait fortune Une famille transporte un Ă©dredon rouge comme vous transportez votre cƓurCet Ă©dredon et nos rĂȘves sont aussi irrĂ©els Quelques-uns de ces Ă©migrants restent ici et se logent Rue des Rosiers ou rue des Écouffes dans des bouges Je les ai vus souvent le soir ils prennent l’air dans la rue Et se dĂ©placent rarement comme les piĂšces aux Ă©checs Il y a surtout des Juifs leurs femmes portent perruque Elles restent assises exsangues au fond des boutiques Tu es debout devant le zinc d’un bar crapuleux Tu prends un cafĂ© Ă  deux sous parmi les malheureux Tu es la nuit dans un grand restaurant Ces femmes ne sont pas mĂ©chantes elles ont des soucis cependantToutes mĂȘme la plus laide a fait souffrir son amant Elle est la fille d’un sergent de ville de Jersey Ses mains que je n’avais pas vues sont dures et gercĂ©es J’ai une pitiĂ© immense pour les coutures de son ventre J’humilie maintenant Ă  une pauvre fille au rire horrible ma bouche Tu es seul le matin va venir Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues La nuit s’éloigne ainsi qu’une belle MĂ©tive C’est Ferdine la fausse ou LĂ©a l’attentive Et tu bois cet alcool brĂ»lant comme ta vie Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi Ă  pied Dormir parmi tes fĂ©tiches d’OcĂ©anie et de GuinĂ©e Ils sont des Christ d’une autre forme et d’une autre croyanceCe sont les Christ infĂ©rieurs des obscures espĂ©rances Adieu Adieu Soleil cou coupĂ© LE PONT MIRABEAU Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu’il m’en souvienne La joie venait toujours aprĂšs la peine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Les mains dans les mains restons face Ă  face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des Ă©ternels regards l’onde si lasse Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure L’amour s’en va comme cette eau courante L’amour s’en va Comme la vie est lente Et comme l’EspĂ©rance est violente Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure Passent les jours et passent les semaines Ni temps passĂ© Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine Vienne la nuit sonne l’heure Les jours s’en vont je demeure LA CHANSON DU MAL-AIMÉ À Paul LĂ©autaud Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour Ă  la semblance Du beau PhĂ©nix s’il meurt un soir Le Matin voit sa renaissance Un soir de demi-brume Ă  Londres Un voyou qui ressemblait Ă  Mon amour vint Ă  ma rencontre Et le regard qu’il me jeta Me fit baisser les yeux de honte Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la mer Rouge Lui les HĂ©breux moi Pharaon Que tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimĂ©e Je suis le souverain d’Égypte Sa sƓur-Ă©pouse son armĂ©e Si tu n’es pas l’amour unique Au tournant d’une rue brĂ»lant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent OĂč se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant C’était son regard d’inhumaine La cicatrice Ă  son cou nu Sortit saoule d’une taverne Au moment oĂč je reconnus La faussetĂ© de l’amour mĂȘme Lorsqu’il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint PrĂšs d’un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu’il revĂźnt L’époux royal de Sacontale Las de vaincre se rĂ©jouit Quand il la retrouva plus pĂąle D’attente et d’amour yeux pĂąlis Caressant sa gazelle mĂąle J’ai pensĂ© Ă  ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidĂšles Me rendirent si malheureux Regrets sur quoi l’enfer se fonde Qu’un ciel d’oubli s’ouvre Ă  mes vƓux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre J’ai hivernĂ© dans mon passĂ© Revienne le soleil de PĂąques Pour chauffer un cƓur plus glacĂ© Que les quarante de SĂ©baste Moins que ma vie martyrisĂ©e Mon beau navire ĂŽ ma mĂ©moire Avons-nous assez naviguĂ© Dans une onde mauvaise Ă  boire Avons-nous assez divaguĂ© De la belle aube au triste soir Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s’éloigne Avec celle que j’ai perdue L’annĂ©e derniĂšre en Allemagne Et que je ne reverrai plus Voie lactĂ©e ĂŽ sƓur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nĂ©buleuses Je me souviens d’une autre annĂ©e C’était l’aube d’un jour d’avril J’ai chantĂ© ma joie bien-aimĂ©e ChantĂ© l’amour Ă  voix virile Au moment d’amour de l’annĂ©e AUBADE CHANTÉE À LÆTARE, UN AN PASSÉ C’est le printemps viens-t’en PĂąquette Te promener au bois joli Les poules dans la cour caquĂštent L’aube au ciel fait de roses plis L’amour chemine Ă  ta conquĂȘte Mars et VĂ©nus sont revenus Ils s’embrassent Ă  bouches folles Devant des sites ingĂ©nus OĂč sous les roses qui feuillolent De beaux dieux roses dansent nus Viens ma tendresse est la rĂ©gente De la floraison qui paraĂźt La nature est belle et touchante Pan sifflote dans la forĂȘt Les grenouilles humides chantent Beaucoup de ces dieux ont pĂ©ri C’est sur eux que pleurent les saules Le grand Pan l’amour JĂ©sus-Christ Sont bien morts et les chats miaulent Dans la cour je pleure Ă  Paris Moi qui sais des lais pour les reines Les complaintes de mes annĂ©es Des hymnes d’esclave aux murĂšnes La romance du mal-aimĂ© Et des chansons pour les sirĂšnes L’amour est mort j’en suis tremblant J’adore de belles idoles Les souvenirs lui ressemblant Comme la femme de Mausole Je reste fidĂšle et dolent Je suis fidĂšle comme un dogue Au maĂźtre le lierre au tronc Et les Cosaques Zaporogues Ivrognes pieux et larrons Aux steppes et au dĂ©calogue Portez comme un joug le Croissant Qu’interrogent les astrologues Je suis le Sultan tout-Puissant Ô mes Cosaques Zaporogues Votre Seigneur Ă©blouissant Devenez mes sujets fidĂšles Leur avait Ă©crit le Sultan Ils rirent Ă  cette nouvelle Et rĂ©pondirent Ă  l’instant À la lueur d’une chandelle RÉPONSE DES COSAQUES ZAPOROGUES AU SULTAN DE CONSTANTINOPLE Plus criminel que Barrabas Cornu comme les mauvais anges Quel BelzĂ©buth es-tu lĂ -bas Nourri d’immondice et de fange Nous n’irons pas Ă  tes sabbats Poisson pourri de Salonique Long collier des sommeils affreux D’yeux arrachĂ©s Ă  coup de pique Ta mĂšre fit un pet foireux Et tu naquis de sa colique Bourreau de Podolie Amant Des plaies des ulcĂšres des croĂ»tes Groin de cochon cul de jument Tes richesses garde-les toutes Pour payer tes mĂ©dicaments Voie lactĂ©e ĂŽ sƓur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nĂ©buleuses Regret des yeux de la putain Et belle comme une panthĂšre Amour vos baisers florentins Avaient une saveur amĂšre Qui a rebutĂ© nos destins Ses regards laissaient une traĂźne D’étoiles dans les soirs tremblants Dans ses yeux nageaient les sirĂšnes Et nos baisers mordus sanglants Faisaient pleurer nos fĂ©es marraines Mais en vĂ©ritĂ© je l’attends Avec mon cƓur avec mon Ăąme Et sur le pont des Reviens-t’en Si jamais revient cette femme Je lui dirai Je suis content Mon cƓur et ma tĂȘte se vident Tout le ciel s’écoule par eux Ô mes tonneaux des DanaĂŻdes Comment faire pour ĂȘtre heureux Comme un petit enfant candide Je ne veux jamais l’oublier Ma colombe ma blanche rade Ô marguerite exfoliĂ©e Mon Ăźle au loin ma DĂ©sirade Ma rose mon giroflier Les satyres et les pyraustes Les Ă©gypans les feux follets Et les destins damnĂ©s ou faustes La corde au cou comme Ă  Calais Sur ma douleur quel holocauste Douleur qui doubles les destins La licorne et le capricorne Mon Ăąme et mon corps incertain Te fuient ĂŽ bĂ»cher divin qu’ornent Des astres des fleurs du matin Malheur dieu pĂąle aux yeux d’ivoire Tes prĂȘtres fous t’ont-ils parĂ© Tes victimes en robe noire Ont-elles vainement pleurĂ© Malheur dieu qu’il ne faut pas croire Et toi qui me suis en rampant Dieu de mes dieux morts en automne Tu mesures combien d’empans J’ai droit que la terre me donne Ô mon ombre ĂŽ mon vieux serpent Au soleil parce que tu l’aimes Je t’ai menĂ©e souviens-t’en bien TĂ©nĂ©breuse Ă©pouse que j’aime Tu es Ă  moi en n’étant rien Ô mon ombre en deuil de moi-mĂȘme L’hiver est mort tout enneigĂ© On a brĂ»lĂ© les ruches blanches Dans les jardins et les vergers Les oiseaux chantent sur les branches Le printemps clair l’avril lĂ©ger Mort d’immortels argyraspides La neige aux boucliers d’argent Fuit les dendrophores livides Du printemps cher aux pauvres gens Qui resourient les yeux humides Et moi j’ai le cƓur aussi gros Qu’un cul de dame damascĂšne Ô mon amour je t’aimais trop Et maintenant j’ai trop de peine Les sept Ă©pĂ©es hors du fourreau Sept Ă©pĂ©es de mĂ©lancolie Sans morfil ĂŽ claires douleurs Sont dans mon cƓur et la folie Veut raisonner pour mon malheur Comment voulez-vous que j’oublie LES SEPT ÉPEES La premiĂšre est toute d’argent Et son nom tremblant c’est PĂąline Sa lame un ciel d’hiver neigeant Son destin sanglant gibeline Vulcain mourut en la forgeant La seconde nommĂ©e Noubosse Est un bel arc-en-ciel joyeux Les dieux s’en servent Ă  leurs noces Elle a tuĂ© trente BĂ©-Rieux Et fut douĂ©e par Carabosse La troisiĂšme bleu fĂ©minin N’en est pas moins un chibriape AppelĂ© Lul de Faltenin Et que porte sur une nappe L’HermĂšs Ernest devenu nain La quatriĂšme MalourĂšne Est un fleuve vert et dorĂ© C’est le soir quand les riveraines Y baignent leurs corps adorĂ©s Et des chants de rameurs s’y traĂźnent La cinquiĂšme Sainte-Fabeau C’est la plus belle des quenouilles C’est un cyprĂšs sur un tombeau OĂč les quatre vents s’agenouillent Et chaque nuit c’est un flambeau La sixiĂšme mĂ©tal de gloire C’est l’ami aux si douces mains Dont chaque matin nous sĂ©pare Adieu voilĂ  votre chemin Les coqs s’épuisaient en fanfares Et la septiĂšme s’extĂ©nue Une femme une rose morte Merci que le dernier venu Sur mon amour ferme la porte Je ne vous ai jamais connue Voie lactĂ©e ĂŽ sƓur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d’ahan Ton cours vers d’autres nĂ©buleuses Les dĂ©mons du hasard selon Le chant du firmament nous mĂšnent À sons perdus leurs violons Font danser notre race humaine Sur la descente Ă  reculons Destins destins impĂ©nĂ©trables Rois secouĂ©s par la folie Et ces grelottantes Ă©toiles De fausses femmes dans vos lits Aux dĂ©serts que l’histoire accable Luitpold le vieux prince rĂ©gent Tuteur de deux royautĂ©s folles Sanglote-t-il en y songeant Quand vacillent les lucioles Mouches dorĂ©es de la Saint-Jean PrĂšs d’un chĂąteau sans chĂątelaine La barque aux barcarols chantants Sur un lac blanc et sous l’haleine Des vents qui tremblent au printemps Voguait cygne mourant sirĂšne Un jour le roi dans l’eau d’argent Se noya puis la bouche ouverte Il s’en revint en surnageant Sur la rive dormir inerte Face tournĂ©e au ciel changeant Juin ton soleil ardente lyre BrĂ»le mes doigts endoloris Triste et mĂ©lodieux dĂ©lire J’erre Ă  travers mon beau Paris Sans avoir le cƓur d’y mourir Les dimanches s’y Ă©ternisent Et les orgues de Barbarie Y sanglotent dans les cours grises Les fleurs aux balcons de Paris Penchent comme la tour de Pise Soirs de Paris ivres du gin Flambant de l’électricitĂ© Les tramways feux verts sur l’échine Musiquent au long des portĂ©es De rails leur folie de machines Les cafĂ©s gonflĂ©s de fumĂ©e Crient tout l’amour de leurs tziganes De tous leurs siphons enrhumĂ©s De leurs garçons vĂȘtus d’un pagne Vers toi toi que j’ai tant aimĂ©e Moi qui sais des lais pour les reines Les complaintes de mes annĂ©es Des hymnes d’esclave aux murĂšnes La romance du mal-aimĂ© Et des chansons pour les sirĂšnes LES COLCHIQUES Le prĂ© est vĂ©nĂ©neux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s’empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-lĂ  ViolĂątres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne Les enfants de l’école viennent avec fracas VĂȘtus de hoquetons et jouant de l’harmonica Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mĂšres Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupiĂšres Qui battent comme les fleurs battent au vent dĂ©ment Le gardien du troupeau chante tout doucement Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent Pour toujours ce grand prĂ© mal fleuri par l’automne PALAIS À Max Jacob Vers le palais de Rosemonde au fond du RĂȘve Mes rĂȘveuses pensĂ©es pieds nus vont en soirĂ©e Le palais don du roi comme un roi nu s’élĂšve Des chairs fouettĂ©es de roses de la roseraie On voit venir au fond du jardin mes pensĂ©es Qui sourient du concert jouĂ© par les grenouilles Elles ont envie des cyprĂšs grandes quenouilles Et le soleil miroir des roses s’est brisĂ© Le stigmate sanglant des mains contre les vitres Quel archer mal blessĂ© du couchant le troua La rĂ©sine qui rend amer le vin de Chypre Ma bouche aux agapes d’agneau blanc l’éprouva Sur les genoux pointus du monarque adultĂšre Sur le mai de son Ăąge et sur son trente et un Madame Rosemonde roule avec mystĂšre Ses petits yeux tout ronds pareils aux yeux des Huns Dame de mes pensĂ©es au cul de perle fine Dont ni perle ni cul n’égale l’orient Qui donc attendez-vous De rĂȘveuses pensĂ©es en marche Ă  l’Orient Mes plus belles voisines Toc toc Entrez dans l’antichambre le jour baisse La veilleuse dans l’ombre est un bijou d’or cuit Pendez vos tĂȘtes aux patĂšres par les tresses Le ciel presque nocturne a des lueurs d’aiguilles On entra dans la salle Ă  manger les narines Reniflaient une odeur de graisse et de graillon On eut vingt potages dont trois couleur d’urine Et le roi prit deux Ɠufs pochĂ©s dans du bouillon Puis les marmitons apportĂšrent les viandes Des rĂŽtis de pensĂ©es mortes dans mon cerveau Mes beaux rĂȘves mort-nĂ©s en tranches bien saignantes Et mes souvenirs faisandĂ©s en godiveaux Or ces pensĂ©es mortes depuis des millĂ©naires Avaient le fade goĂ»t des grands mammouths gelĂ©s Les os ou songe-creux venaient des ossuaires En danse macabre aux plis de mon cervelet Et tous ces mets criaient des choses nonpareilles Mais nom de Dieu ! Ventre affamĂ© n’a pas d’oreilles Et les convives mastiquaient Ă  qui mieux mieux Ah ! nom de Dieu ! qu’ont donc criĂ© ces entrecĂŽtes Ces grands pĂątĂ©s ces os Ă  moelle et mirotons Langues de feu oĂč sont-elles mes pentecĂŽtes Pour mes pensĂ©es de tous pays de tous les temps CHANTRE Et l’unique cordeau des trompettes marines CRÉPUSCULE À Mademoiselle Marie Laurencin FrĂŽlĂ©e par les ombres des morts Sur l’herbe oĂč le jour s’extĂ©nue L’arlequine s’est mise nue Et dans l’étang mire son corps Un charlatan crĂ©pusculaire Vante les tours que l’on va faire Le ciel sans teinte est constellĂ© D’astres pĂąles comme du lait Sur les trĂ©teaux l’arlequin blĂȘme Salue d’abord les spectateurs Des sorciers venus de BohĂȘme Quelques fĂ©es et les enchanteurs Ayant dĂ©crochĂ© une Ă©toile Il la manie Ă  bras tendu Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales L’aveugle berce un bel enfant La biche passe avec ses faons Le nain regarde d’un air triste Grandir l’arlequin trismĂ©giste ANNIE Sur la cĂŽte du Texas Entre Mobile et Galveston il y a Un grand jardin tout plein de roses Il contient aussi une villa Qui est une grande rose Une femme se promĂšne souvent Dans le jardin toute seule Et quand je passe sur la route bordĂ©e de tilleuls Nous nous regardons Comme cette femme est mennonite Ses rosiers et ses vĂȘtements n’ont pas de boutons Il en manque deux Ă  mon veston La dame et moi suivons presque le mĂȘme rite LA MAISON DES MORTS À Maurice Raynal S’étendant sur les cĂŽtĂ©s du cimetiĂšre La maison des morts l’encadrait comme un cloĂźtre À l’intĂ©rieur de ses vitrines Pareilles Ă  celles des boutiques de modes Au lieu de sourire debout Les mannequins grimaçaient pour l’éternitĂ© ArrivĂ© Ă  Munich depuis quinze ou vingt jours J’étais entrĂ© pour la premiĂšre fois et par hasard Dans ce cimetiĂšre presque dĂ©sert Et je claquais des dents Devant toute cette bourgeoisie ExposĂ©e et vĂȘtue le mieux possible En attendant la sĂ©pulture Soudain Rapide comme ma mĂ©moire Les yeux se rallumĂšrent De cellule vitrĂ©e en cellule vitrĂ©e Le ciel se peupla d’une apocalypse Vivace Et la terre plate Ă  l’infini Comme avant GalilĂ©e Se couvrit de mille mythologies immobiles Un ange en diamant brisa toutes les vitrines Et les morts m’accostĂšrent Avec des mines de l’autre monde Mais leur visage et leurs attitudes Devinrent bientĂŽt moins funĂšbres Le ciel et la terre perdirent Leur aspect fantasmagorique Les morts se rĂ©jouissaient De voir leurs corps trĂ©passĂ©s entre eux et la lumiĂšre Ils riaient de leur ombre et l’observaient Comme si vĂ©ritablement C’eĂ»t Ă©tĂ© leur vie passĂ©e Alors je les dĂ©nombrai Ils Ă©taient quarante-neuf hommes Femmes et enfants Qui embellissaient Ă  vue d’Ɠil Et me regardaient maintenant Avec tant de cordialitĂ© Tant de tendresse mĂȘme Que les prenant en amitiĂ© Tout Ă  coup Je les invitai Ă  une promenade Loin des arcades de leur maison Et tous bras dessus bras dessous Fredonnant des airs militaires Oui tous vos pĂ©chĂ©s sont absous Nous quittĂąmes le cimetiĂšre Nous traversĂąmes la ville Et rencontrions souvent Des parents des amis qui se joignaient À la petite troupe des morts rĂ©cents Tous Ă©taient si gais Si charmants si bien portants Qui bien malin qui aurait pu Distinguer les morts des vivants Puis dans la campagne On s’éparpilla Deux chevau-lĂ©gers nous joignirent On leur fit fĂȘte Ils coupĂšrent du bois de viorne Et de sureau Dont ils firent des sifflets Qu’il distribuĂšrent aux enfants Plus tard dans un bal champĂȘtre Les couples mains sur les Ă©paules DansĂšrent au son aigre des cithares Ils n’avaient pas oubliĂ© la danse Ces morts et ces mortes On buvait aussi Et de temps Ă  autre une cloche Annonçait qu’un nouveau tonneau Allait ĂȘtre mis en perce Une morte assise sur un banc PrĂšs d’un buisson d’épine-vinette Laissait un Ă©tudiant AgenouillĂ© Ă  ses pieds Lui parler de fiançailles Je vous attendrai Dix ans vingt ans s’il le faut Votre volontĂ© sera la mienne Je vous attendrai Toute votre vie RĂ©pondait la morte Des enfants De ce monde ou bien de l’autre Chantaient de ces rondes Aux paroles absurdes et lyriques Qui sans doute sont les restes Des plus anciens monuments poĂ©tiques De l’humanitĂ© L’étudiant passa une bague À l’annulaire de la jeune morte Voici le gage de mon amour De nos fiançailles Ni le temps ni l’absence Ne nous feront oublier nos promesses Et un jour nous aurons une belle noce Des touffes de myrte À nos vĂȘtements et dans vos cheveux Un beau sermon Ă  l’église De longs discours aprĂšs le banquet Et de la musique De la musique Nos enfants Dit la fiancĂ©e Seront plus beaux plus beaux encore HĂ©las ! la bague Ă©tait brisĂ©e Que s’ils Ă©taient d’argent ou d’or D’émeraude ou de diamant Seront plus clairs plus clairs encore Que les astres du firmament Que la lumiĂšre de l’aurore Que vos regards mon fiancĂ© Auront meilleure odeur encore HĂ©las ! la bague Ă©tait brisĂ©e Que le lilas qui vient d’éclore Que le thym la rose ou qu’un brin De lavande ou de romarin Les musiciens s’en Ă©tant allĂ©s Nous continuĂąmes la promenade Au bord d’un lac On s’amusa Ă  faire des ricochets Avec des cailloux plats Sur l’eau qui dansait Ă  peine Des barques Ă©taient amarrĂ©es Dans un havre On les dĂ©tacha AprĂšs que toute la troupe se fut embarquĂ©e Et quelques morts ramaient Avec autant de vigueur que les vivants À l’avant du bateau que je gouvernais Un mort parlait avec une jeune femme VĂȘtue d’une robe jaune D’un corsage noir Avec des rubans bleus et d’un chapeau gris OrnĂ© d’une seule petite plume dĂ©frisĂ©e Je vous aime Disait-il Comme le pigeon aime la colombe Comme l’insecte nocturne Aime la lumiĂšre Trop tard RĂ©pondait la vivante Repoussez repoussez cet amour dĂ©fendu je suis mariĂ©e Voyez l’anneau qui brille Mes mains tremblent Je pleure et je voudrais mourir Les barques Ă©taient arrivĂ©es À un endroit oĂč les chevau-lĂ©gers Savaient qu’un Ă©cho rĂ©pondait de la rive On ne se lassait point de l’interroger Il y eut des questions si extravagantes Et des rĂ©ponses tellement pleines d’à-propos Que c’était Ă  mourir de rire Et le mort disait Ă  la vivante Nous serions si heureux ensemble Sur nous l’eau se refermera Mais vous pleurez et vos mains tremblent Aucun de nous ne reviendra On reprit terre et ce fut le retour Les amoureux s’entr’aimaient Et par couples aux belles bouches Marchaient Ă  distances inĂ©gales Les morts avaient choisi les vivants Et les vivants Des mortes Un genĂ©vrier parfois Faisait l’effet d’un fantĂŽme Les enfants dĂ©chiraient l’air En soufflant les joues creuses Dans leurs sifflets de viorne Ou de sureau Tandis que les militaires Chantaient des tyroliennes En se rĂ©pondant comme on le fait Dans la montagne Dans la ville Notre troupe diminua peu Ă  peu On se disait Au revoir À demain À bientĂŽt Beaucoup entraient dans les brasseries Quelques-uns nous quittĂšrent Devant une boucherie canine Pour y acheter leur repas du soir BientĂŽt je restai seul avec ces morts Qui s’en allaient tout droit Au cimetiĂšre OĂč Sous les Arcades Je les reconnus CouchĂ©s Immobiles Eh bien vĂȘtus Attendant la sĂ©pulture derriĂšre les vitrines Ils ne se doutaient pas De ce qui s’était passĂ© Mais les vivants en gardaient le souvenir C’était un bonheur inespĂ©rĂ© Et si certain Qu’ils ne craignaient point de le perdre Ils vivaient si noblement Que ceux qui la veille encore Les regardaient comme leurs Ă©gaux Ou mĂȘme quelque chose de moins Admiraient maintenant Leur puissance leur richesse et leur gĂ©nie Car il y a-t-il rien qui vous Ă©lĂšve Comme d’avoir aimĂ© un mort ou une morte On devient si pur qu’on en arrive Dans les glaciers de la mĂ©moire À se confondre avec le souvenir On est fortifiĂ© pour la vie Et l’on n’a plus besoin de personne CLOTILDE L’anĂ©mone et l’ancolie Ont poussĂ© dans le jardin OĂč dort la mĂ©lancolie Entre l’amour et le dĂ©dain Il y vient aussi nos ombres Que la nuit dissipera Le soleil qui les rend sombres Avec elles disparaĂźtra Les dĂ©itĂ©s des eaux vives Laissent couler leurs cheveux Passe il faut que tu poursuives Cette belle ombre que tu veux CORTÈGE À M. LĂ©on Bailby Oiseau tranquille au vol inverse oiseau Qui nidifie en l’air À la limite oĂč notre sol brille dĂ©jĂ  Baisse ta deuxiĂšme paupiĂšre la terre t’éblouit Quand tu lĂšves la tĂȘte Et moi aussi de prĂšs je suis sombre et terne Une brume qui vient d’obscurcir les lanternes Une main qui tout Ă  coup se pose devant les yeux Une voĂ»te entre vous et toutes les lumiĂšres Et je m’éloignerai m’illuminant au milieu d’ombres Et d’alignements d’yeux des astres bien-aimĂ©s Oiseau tranquille au vol inverse oiseau Qui nidifie en l’air À la limite oĂč brille dĂ©jĂ  ma mĂ©moire Baisse ta deuxiĂšme paupiĂšre Ni Ă  cause du soleil ni Ă  cause de la terre Mais pour ce feu oblong dont l’intensitĂ© ira s’augmentant Au point qu’il deviendra un jour l’unique lumiĂšre Un jour Un jour je m’attendais moi-mĂȘme Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes Pour que je sache enfin celui-lĂ  que je suis Moi qui connais les autres Je les connais par les cinq sens et quelques autres Il me suffit de voir leurs pieds pour pouvoir refaire ces gens Ă  milliersDe voir leurs pieds paniques un seul de leurs cheveux Ou leur langue quand il me plaĂźt de faire le mĂ©decin Ou leurs enfants quand il me plaĂźt de faire le prophĂšte Les vaisseaux des amateurs la plume de mes confrĂšres La monnaie des aveugles les mains des muets Ou bien encore Ă  cause du vocabulaire et non de l’écritureUne lettre Ă©crite par ceux qui ont plus de vingt ans Il me suffit de sentir l’odeur de leurs Ă©glises L’odeur des fleuves dans leurs villes Le parfum des fleurs dans les jardins publics Ô Corneille Agrippa l’odeur d’un petit chien m’eĂ»t suffi Pour dĂ©crire exactement tes concitoyens de Cologne Leurs rois-mages et la ribambelle ursuline Qui t’inspirait l’erreur touchant toutes les femmes Il me suffit de goĂ»ter la saveur du laurier qu’on cultive pour que j’aime ou que je bafoueEt de toucher les vĂȘtements Pour ne pas douter si l’on est frileux ou non Ô gens que je connais Il me suffit d’entendre le bruit de leurs pas Pour pouvoir indiquer Ă  jamais la direction qu’ils ont priseIl me suffit de tous ceux-lĂ  pour me croire le droit De ressusciter les autres Un jour je m’attendais moi-mĂȘme Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes Et d’un lyrique pas s’avançaient ceux que j’aime Parmi lesquels je n’étais pas Les gĂ©ants couverts d’algues passaient dans leurs villesSous-marines oĂč les tours seules Ă©taient des Ăźles Et cette mer avec les clartĂ©s de ses profondeurs Coulait sang de mes veines et fait battre mon cƓur Puis sur terre il venait mille peuplades blanches Dont chaque homme tenait une rose Ă  la main Et le langage qu’ils inventaient en chemin Je l’appris de leur bouche et je le parle encore Le cortĂšge passait et j’y cherchais mon corps Tous ceux qui survenaient et n’étaient pas moi-mĂȘme Amenaient un Ă  un les morceaux de moi-mĂȘme On me bĂątit peu Ă  peu comme on Ă©lĂšve une tour Les peuples s’entassaient et je parus moi-mĂȘme Qu’ont formĂ© tous les corps et les choses humaines Temps passĂ©s TrĂ©passĂ©s Les dieux qui me formĂątes Je ne vis que passant ainsi que vous passĂątes Et dĂ©tournant mes yeux de ce vide avenir En moi-mĂȘme je vois tout le passĂ© grandir Rien n’est mort que ce qui n’existe pas encore PrĂšs du passĂ© luisant demain est incolore Il est informe aussi prĂšs de ce qui parfait PrĂ©sente tout ensemble et l’effort et l’effet MARIZIBILL Dans la Haute-Rue Ă  Cologne Elle allait et venait le soir Offerte Ă  tous en tout mignonne Puis buvait lasse des trottoirs TrĂšs tard dans les brasseries borgnes Elle se mettait sur la paille Pour un maquereau roux et rose C’était un juif il sentait l’ail Et l’avait venant de Formose TirĂ©e d’un bordel de ChangaĂŻ Je connais gens de toutes sortes Ils n’égalent pas leurs destins IndĂ©cis comme feuilles mortes Leurs yeux sont des feux mal Ă©teints Leurs cƓurs bougent comme leurs portes LE VOYAGEUR À Fernand Fleuret Ouvrez-moi cette porte oĂč je frappe en pleurant La vie est variable aussi bien que l’Euripe Tu regardais un banc de nuages descendre Avec le paquebot orphelin vers les fiĂšvres futures Et de tous ces regrets de tous ces repentirsTe souviens-tu Vagues poissons arques fleurs surmarines Une nuit c’était la mer Et les fleuves s’y rĂ©pandaient Je m’en souviens je m’en souviens encore Un soir je descendis dans une auberge triste AuprĂšs de Luxembourg Dans le fond de la salle il s’envolait un Christ Quelqu’un avait un furet Un autre un hĂ©risson L’on jouait aux cartes Et toi tu m’avais oubliĂ© Te souviens-tu du long orphelinat des gares Nous traversĂąmes des villes qui tout le jour tournaient Et vomissaient la nuit le soleil des journĂ©es Ô matelots ĂŽ femmes sombres et vous mes compagnonsSouvenez-vous-en Deux matelots qui ne s’étaient jamais quittĂ©s Deux matelots qui ne s’étaient jamais parlĂ© Le plus jeune en mourant tomba sur le cĂŽtéÔ vous chers compagnons Sonneries Ă©lectriques des gares chant des moissonneusesTraĂźneau d’un boucher rĂ©giment des rues sans nombre Cavalerie des ponts nuits livides de l’alcool Les villes que j’ai vues vivaient comme des folles Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysagesLes cyprĂšs projetaient sous la lune leurs ombres J’écoutais cette nuit au dĂ©clin de l’étĂ© Un oiseau langoureux et toujours irritĂ© Et le bruit Ă©ternel d’un fleuve large et sombre Mais tandis que mourants roulaient vers l’estuaire Tous les regards tous les regards de tous les yeux Les bords Ă©taient dĂ©serts herbus silencieux Et la montagne Ă  l’autre rive Ă©tait trĂšs claire Alors sans bruit sans qu’on pĂ»t voir rien de vivant Contre le mont passĂšrent des ombres vivaces De profil ou soudain tournant leurs vagues faces Et tenant l’ombre de leurs lances en avant Les ombres contre le mont perpendiculaire Grandissaient ou parfois s’abaissaient brusquement Et ces ombres barbues pleuraient humainement En glissant pas Ă  pas sur la montagne claire Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies Te souviens-tu du jour oĂč une abeille tomba dans le feu C’était tu t’en souviens Ă  la fin de l’étĂ© Deux matelots qui ne s’étaient jamais quittĂ©s L’aĂźnĂ© portait au cou une chaĂźne de fer Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse Ouvrez-moi cette porte oĂč je frappe en pleurant La vie est variable aussi bien que l’Euripe MARIE Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mĂšre-grand C’est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie Des masques sont silencieux Et la musique est si lointaine Qu’elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer Ă  peine Et mon mal est dĂ©licieux Les brebis s’en vont dans la neige Flocons de laine et ceux d’argent Des soldats passent et que n’ai-je Un cƓur Ă  moi ce cƓur changeant Changeant et puis encor que sais-je Sais-je oĂč s’en iront tes cheveux CrĂ©pus comme mer qui moutonne Sais-je oĂč s’en iront tes cheveux Et tes mains feuilles de l’automne Que jonchent aussi nos aveux Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil Ă  ma peine Il s’écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine LA BLANCHE NEIGE Les anges les anges dans le ciel L’un est vĂȘtu en officier L’un est vĂȘtu en cuisinier Et les autres chantent Bel officier couleur du ciel Le doux printemps longtemps aprĂšs NoĂ«l Te mĂ©daillera d’un beau soleilD’un beau soleil Le cuisinier plume les oiesAh ! tombe neigeTombe et que n’ai-je Ma bien-aimĂ©e entre mes bras POÈME LU AU MARIAGED’ANDRÉ SALMON Le 13 juillet 1909 En voyant des drapeaux ce matin je ne me suis pas dit VoilĂ  les riches vĂȘtements des pauvres Ni la pudeur dĂ©mocratique veut me voiler sa douleur Ni la libertĂ© en honneur fait qu’on imite maintenant Les feuilles ĂŽ libertĂ© vĂ©gĂ©tale ĂŽ seule libertĂ© terrestre Ni les maisons flambent parce qu’on partira pour ne plus revenirNi ces mains agitĂ©es travailleront demain pour nous tousNi mĂȘme on a pendu ceux qui ne savaient pas profiter de la vieNi mĂȘme on renouvelle le monde en reprenant la Bastille Je sais que seuls le renouvellent ceux qui sont fondĂ©s en poĂ©sieOn a pavoisĂ© Paris parce que mon ami AndrĂ© Salmon s’y marie Nous nous sommes rencontrĂ©s dans un caveau maudit Au temps de notre jeunesse Fumant tous deux et mal vĂȘtus attendant l’aube Épris Ă©pris des mĂȘmes paroles dont il faudra changer le sensTrompĂ©s trompĂ©s pauvres petits et ne sachant pas encore rireLa table et les deux verres devinrent un mourant qui nous jeta le dernier regard d’OrphĂ©eLes verres tombĂšrent se brisĂšrent Et nous apprĂźmes Ă  rire Nous partĂźmes alors pĂšlerins de la perdition À travers les rues Ă  travers les contrĂ©es Ă  travers la raisonJe le revis au bord du fleuve sur lequel flottait OphĂ©lie Qui blanche flotte encore les nĂ©nuphars Il s’en allait au milieu des Hamlets blafards Sur la flĂ»te jouant les airs de la folie Je le revis prĂšs d’un moujik mourant compter les bĂ©atitudes En admirant la neige semblable aux femmes nues Je le revis faisant ceci ou cela en l’honneur des mĂȘmes parolesQui changent la face des enfants et je dis toutes ces chosesSouvenir et Avenir parce que mon ami AndrĂ© Salmon se marie RĂ©jouissons-nous non pas parce que notre amitiĂ© a Ă©tĂ© le fleuve qui nous a fertilisĂ©sTerrains riverains dont l’abondance est la nourriture que tous espĂšrentNi parce que nos verres nous jettent encore une fois le regard d’OrphĂ©e mourantNi parce que nous avons tant grandi que beaucoup pourraient confondre nos yeux et les Ă©toilesNi parce que les drapeaux claquent aux fenĂȘtres des citoyens qui sont contents depuis cent ans d’avoir la vie et de menues choses Ă  dĂ©fendreNi parce que fondĂ©s en poĂ©sie nous avons des droits sur les paroles qui forment et dĂ©font l’UniversNi parce que nous pouvons pleurer sans ridicule et que nous savons rireNi parce que nous fumons et buvons comme autrefois RĂ©jouissons-nous parce que directeur du feu et des poĂštesL’amour qui emplit ainsi que la lumiĂšre Tout le solide espace entre les Ă©toiles et les planĂštes L’amour veut qu’aujourd’hui mon ami AndrĂ© Salmon se marie L’ADIEU J’ai cueilli ce brin de bruyĂšre L’automne est morte souviens-t’en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyĂšre Et souviens-toi que je t’attends SALOMÉ Pour que sourie encore une fois Jean-Baptiste Sire je danserais mieux que les sĂ©raphins Ma mĂšre dites-moi pourquoi vous ĂȘtes triste En robe de comtesse Ă  cĂŽtĂ© du Dauphin Mon cƓur battait battait trĂšs fort Ă  sa parole Quand je dansais dans le fenouil en Ă©coutant Et je brodais des lys sur une banderole DestinĂ©e Ă  flotter au bout de son bĂąton Et pour qui voulez-vous qu’à prĂ©sent je la brode Son bĂąton refleurit sur les bords du Jourdain Et tous les lys quand vos soldats ĂŽ roi HĂ©rode L’emmenĂšrent se sont flĂ©tris dans mon jardin Venez tous avec moi lĂ -bas sous les quinconcesï»żNe pleure pas ĂŽ joli fou du roi Prends cette tĂȘte au lieu de ta marotte et danse N’y touchez pas son front ma mĂšre est dĂ©jĂ  froid Sire marchez devant trabants marchez derriĂšre Nous creuserons un trou et l’y enterrerons Nous planterons des fleurs et danserons en rond Jusqu’à l’heure oĂč j’aurai perdu ma jarretiĂšreï»żLe roi sa tabatiĂšreï»żL’infante son rosaireï»żLe curĂ© son brĂ©viaire LA PORTE La porte de l’hĂŽtel sourit terriblement Qu’est-ce que cela peut me faire ĂŽ ma maman D’ĂȘtre cet employĂ© pour qui seul rien n’existe Pi-mus couples allant dans la profonde eau triste Anges frais dĂ©barquĂ©s Ă  Marseille hier matin J’entends mourir et remourir un chant lointain Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille Enfant je t’ai donnĂ© ce que j’avais travaille MERLIN ET LA VIEILLE FEMME Le soleil ce jour-lĂ  s’étalait comme un ventre Maternel qui saignait lentement sur le ciel La lumiĂšre est ma mĂšre ĂŽ lumiĂšre sanglante Les nuages coulaient comme un flux menstruel Au carrefour oĂč nulle fleur sinon la rose Des vents mais sans Ă©pine n’a fleuri l’univers Merlin guettait la vie et l’éternelle cause Qui fait mourir et puis renaĂźtre l’univers Une vieille sur une mule Ă  chape verte S’en vint suivant la berge du fleuve en aval Et l’antique Merlin dans la plaine dĂ©serte Se frappait la poitrine en s’écriant Rival Ô mon ĂȘtre glacĂ© dont le destin m’accable Dont ce soleil de chair grelotte veux-tu voir Ma MĂ©moire venir et m’aimer ma semblable Et quel fils malheureux et beau je veux avoir Son geste fit crouler l’orgueil des cataclysmes Le soleil en dansant remuait son nombril Et soudain le printemps d’amour et d’hĂ©roĂŻsme Amena par la main un jeune jour d’avril Les voies qui viennent de l’ouest Ă©taient couvertes D’ossements d’herbes drues de destins et de fleurs Des monuments tremblants prĂšs des charognes vertes Quand les vents apportaient des poils et des malheurs Laissant sa mule Ă  petits pas s’en vint l’amante À petits coups le vent dĂ©fripait ses atours Puis les pĂąles amants joignant leurs mains dĂ©mentes L’entrelac de leurs doigts fut leur seul laps d’amour Elle balla mimant un rythme d’existence Criant depuis cent ans j’espĂ©rais ton appel Les astres de ta vie influaient sur ma danse Morgane regardait du haut du mont Gibel Ah ! qu’il fait doux danser quand pour vous se dĂ©clare Un mirage oĂč tout chante et que les vents d’horreur Feignant d’ĂȘtre le rire de la lune hilare Et d’effrayer les fantĂŽmes avant-coureurs J’ai fait des gestes blancs parmi les solitudes Des lĂ©mures couraient peupler les cauchemars Mes tournoĂźments exprimaient les bĂ©atitudes Qui toutes ne sont rien qu’un pur effet de l’Art Je n’ai jamais cueilli que la fleur d’aubĂ©pine Aux printemps finissants qui voulaient dĂ©fleurir Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines D’agneaux mort-nĂ©s et d’enfants-dieux qui vont mourir Et j’ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse Mais j’eusse Ă©tĂ© tĂŽt lasse et l’aubĂ©pine en fleurs Cet avril aurait eu la pauvre confidence D’un corps de vieille morte en mimant la douleur Et leurs mains s’élevaient comme un vol de colombes ClartĂ© sur qui la nuit fondit comme un vautour. Puis Merlin s’en alla vers l’est disant Qu’il monte Le fils de la MĂ©moire Ă©gale de l’Amour Qu’il monte de la fange ou soit une ombre d’homme Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel Le front nimbĂ© de feu sur le chemin de Rome Il marchera tout seul en regardant le ciel La dame qui m’attend se nomme Viviane Et vienne le printemps des nouvelles douleurs CouchĂ© parmi la marjolaine et les pas-d’ñne Je m’éterniserai sous l’aubĂ©pine en fleurs SALTIMBANQUES À Louis Dumur Dans la plaine les baladins S’éloignent au long des jardins Devant l’huis des auberges grises Par les villages sans Ă©glises Et les enfants s’en vont devant Les autres suivent en rĂȘvant Chaque arbre fruitier se rĂ©signe Quand de trĂšs loin ils lui font signe Ils ont des poids ronds ou carrĂ©s Des tambours des cerceaux dorĂ©s L’ours et le singe animaux sages QuĂȘtent des sous sur leur passage LE LARRON CHƒUR Maraudeur Ă©tranger malheureux malhabile Voleur voleur que ne demandais-tu ces fruits Mais puisque tu as faim que tu es en exil Il pleure il est barbare et bon pardonnez-lui LARRON Je confesse le vol des fruits doux des fruits mĂ»rs Mais ce n’est pas l’exil que je viens simuler Et sachez que j’attends de moyennes tortures Injustes si je rends tout ce que j’ai volĂ© VIEILLARD Issu de l’écume des mers comme Aphrodite Sois docile puisque tu es beau NaufragĂ© Vois les sages te font des gestes socratiques Vous parlerez d’amour quand il aura mangĂ© CHƒUR Maraudeur Ă©tranger malhabile et malade Ton pĂšre fut un sphinx et ta mĂšre une nuit Qui charma de lueurs Zacinthe et les Cyclades As-tu feint d’avoir faim quand tu volas les fruits LARRON Possesseurs de fruits mĂ»rs que dirai-je aux insultes OuĂŻr ta voix figure en nĂ©nie ĂŽ maman Puisqu’ils n’eurent enfin la pubĂšre et l’adulte Du prĂ©texte sinon que s’aimer nuitamment Il y avait des fruits tout ronds comme des Ăąmes Et des amandes de pomme de pin jonchaient Votre jardin marin oĂč j’ai laissĂ© mes rames Et mon couteau punique au pied de ce pĂȘcher Les citrons couleur d’huile et Ă  saveur d’eau froide Pendaient parmi les fleurs des citronniers tordus Les oiseaux de leur bec ont blessĂ© vos grenades Et presque toutes les figues Ă©taient fendues L’ACTEUR Il entra dans la salle aux fresques qui figurent L’inceste solaire et nocturne dans les nues Assieds-toi lĂ  pour mieux ouĂŻr les voix ligures Au son des cinyres des Lydiennes nues Or les hommes ayant des masques de théùtre Et les femmes ayant des colliers oĂč pendait La pierre prise au foie d’un vieux coq de Tanagre Parlaient entre eux le langage de la ChaldĂ©e Les autans langoureux dehors feignaient l’automne Les convives c’étaient tant de couples d’amants Qui dirent tour Ă  tour Voleur je te pardonne. Reçois d’abord le sel puis le pain de froment Le brouet qui froidit sera fade Ă  tes lĂšvres Mais l’outre en peau de bouc maintient frais le vin blanc Par ironie veux-tu qu’on serve un plat de fĂšves Ou des beignets de fleurs trempĂ©s dans du miel blond Une femme lui dit Tu n’invoques personne Crois-tu donc au hasard qui coule au sablier Voleur connais-tu mieux les lois malgrĂ© les hommes Veux-tu le talisman heureux de mon collier Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques Emplissez de noix la besace du hĂ©ros Il est plus noble que le paon pythagorique Le dauphin la vipĂšre mĂąle ou le taureau Qui donc es-tu toi qui nous vins grĂące au vent scythe Il en est tant venu par la route ou la mer ConquĂ©rants Ă©garĂ©s qui s’éloignaient trop vite Colonnes de clins d’yeux qui fuyaient aux Ă©clairs CHƒUR Un homme bĂšgue ayant au front deux jets de flammes Passa menant un peuple infime pour l’orgueil De manger chaque jour les cailles et la manne Et d’avoir vu la mer ouverte comme un Ɠil Les puiseurs d’eau barbus coiffĂ©s de bandelettes Noires et blanches contre les maux et les sorts Revenaient de l’Euphrate et les yeux des chouettes Attiraient quelquefois les chercheurs de trĂ©sors Cet insecte jaseur ĂŽ poĂšte barbare Regagnait chastement Ă  l’heure d’y mourir La forĂȘt prĂ©cieuse aux oiseaux gemmipares Aux crapauds que l’azur et les sources mĂ»rirent. Un triomphe passait gĂ©mir sous l’arc-en-ciel Avec de blĂȘmes laurĂ©s debout dans les chars Les statues suant les scurriles les agnelles Et l’angoisse rauque des paonnes et des jars Les veuves prĂ©cĂ©daient en Ă©grenant des grappes Les Ă©vĂȘques noirs rĂ©vĂ©rant sans le savoir Au triangle isocĂšle ouvert au mors des chapes Pallas et chantaient l’hymne Ă  la belle mais noire Les chevaucheurs nous jetĂšrent dans l’avenir Les alcancies pleines de cendre ou bien de fleurs Nous aurons des baisers florentins sans le dire Mais au jardin ce soir tu vins sage et voleur Ceux de ta secte adorent-ils un signe obscĂšne ; BelphĂ©gor le soleil le silence ou le chien Cette furtive ardeur des serpents qui s’entr’aiment L’ACTEUR Et le larron des fruits cria Je suis chrĂ©tien CHƒUR Ah ! Ah ! les colliers tinteront cherront les masques Va-t’en va-t’en contre le feu l’ombre prĂ©vaut Ah ! Ah ! le larron de gauche dans la bourrasque Rira de toi comme hennissent les chevaux FEMME Larron des fruits tourne vers moi tes yeux lyriques Emplissez de noix la besace du hĂ©ros Il est plus noble que le paon pythagorique Le dauphin la vipĂšre mĂąle ou le taureau CHƒUR Ah ! Ah ! nous secouerons toute la nuit les sistres La voix ligure Ă©tait-ce donc un talisman Et si tu n’es pas de droite tu es sinistre Comme une tache grise ou le pressentiment Puisque l’absolu choit la chute est une preuve Qui double devient triple avant d’avoir Ă©tĂ© Nous avouons que les grossesses nous Ă©meuvent Les ventres pourront seuls nier l’asĂ©itĂ© Vois les vases sont pleins d’humides fleurs morales Va-t’en mais dĂ©nudĂ© puisque tout est Ă  nous OuĂŻs du chƓur des vents les cadences plagales Et prends l’arc pour tuer l’unicorne ou le gnou L’ombre Ă©quivoque et tendre est le deuil de ta chair Et sombre elle est humaine et puis la nĂŽtre aussi Va-t’en le crĂ©puscule a des lueurs lĂ©gĂšres Et puis aucun de nous ne croirait tes rĂ©cits Il brillait et attirait comme la pantaure Que n’avait-il la voix et les jupes d’OrphĂ©e Et les femmes la nuit feignant d’ĂȘtre des taures L’eussent aimĂ© comme on l’aima puisqu’en effet Il Ă©tait pĂąle il Ă©tait beau comme un roi ladre Que n’avait-il la voix et les jupes d’OrphĂ©e La pierre prise au foie d’un vieux coq de Tanagre Au lieu du roseau triste et du funĂšbre faix Que n’alla-t-il vivre Ă  la cour du roi d’Édesse Maigre et magique il eĂ»t scrutĂ© le firmament PĂąle et magique il eĂ»t aimĂ© des poĂ©tesses Juste et magique il eĂ»t Ă©pargnĂ© les dĂ©mons Va-t’en errer crĂ©dule et roux avec ton ombre Soit ! la triade est mĂąle et tu es vierge et froid Le tact est relatif mais la vue est oblongue Tu n’as de signe que le signe de la croix LE VENT NOCTURNE Oh ! les cimes des pins grincent en se heurtant Et l’on entend aussi se lamenter l’autan Et du fleuve prochain Ă  grand’voix triomphales Les elfes rire au vent ou corner aux rafales Attys Attys Attys charmant et dĂ©braillĂ© C’est ton nom qu’en la nuit les elfes ont raillĂ© Parce qu’un de tes pins s’abat au vent gothique La forĂȘt fuit au loin comme une armĂ©e antique Dont les lances ĂŽ pins s’agitent au tournant Les villages Ă©teints mĂ©ditent maintenant Comme les vierges les vieillards et les poĂštes Et ne s’éveilleront au pas de nul venant Ni quand sur leurs pigeons fondront les gypaĂštes LUL DE FALTENIN À Louis de Gonzague Frick SirĂšnes j’ai rampĂ© vers vos Grottes tiriez aux mers la langue En dansant devant leurs chevaux Puis battiez de vos ailes d’anges Et j’écoutais ces chƓurs rivaux Une arme ĂŽ ma tĂȘte inquiĂšte J’agite un feuillard dĂ©fleuri Pour Ă©carter l’haleine tiĂšde Qu’exhalent contre mes grands cris Vos terribles bouches muettes Il y a lĂ -bas la merveille Au prix d’elle que valez-vous Le sang jaillit de mes otelles À mon aspect et je l’avoue Le meurtre de mon double orgueil Si les bateliers ont ramĂ© Loin des lĂšvres Ă  fleur de l’onde Mille et mille animaux charmĂ©s Flairant la route Ă  la rencontre De mes blessures bien-aimĂ©es Leurs yeux Ă©toiles bestiales Éclairent ma compassion Qu’importe ma sagesse Ă©gale Celle des constellations Car c’est moi seul nuit qui t’étoile SirĂšnes enfin je descends Dans une grotte avide J’aime Vos yeux Les degrĂ©s sont glissants Au loin que vous devenez naines N’attirez plus aucun passant Dans l’attentive et bien-apprise J’ai vu feuilloler nos forĂȘts Mer le soleil se gargarise OĂč les matelots dĂ©siraient Que vergues et mĂąts reverdissent Je descends et le firmament S’est changĂ© trĂšs vite en mĂ©duse Puisque je flambe atrocement Que mes bras seuls sont les excuses Et les torches de mon tourment Oiseaux tiriez aux mers la langue Le soleil d’hier m’a rejoint Les otelles nous ensanglantent Dans le nid des SirĂšnes loin Du troupeau d’étoiles oblongues LA TZIGANE La tzigane savait d’avance Nos deux vies barrĂ©es par les nuits Nous lui dĂźmes adieu et puis De ce puits sortit l’EspĂ©rance L’amour lourd comme un ours privĂ© Dansa debout quand nous voulĂ»mes Et l’oiseau bleu perdit ses plumes Et les mendiants leurs Ave On sait trĂšs bien que l’on se damne Mais l’espoir d’aimer en chemin Nous fait penser main dans la main À ce qu’a prĂ©dit la tzigane L’ERMITE À Felix FĂ©nĂ©on Un ermite dĂ©chaux prĂšs d’un crĂąne blanchi Cria Je vous maudis martyres et dĂ©tresses Trop de tentations malgrĂ© moi me caressent Tentations de lune et de logomachies Trop d’étoiles s’enfuient quand je dis mes priĂšres Ô chef de morte Ô vieil ivoire Orbites Trous Des narines rongĂ©es J’ai faim Mes cris s’enrouent Voici donc pour mon jeĂ»ne un morceau de gruyĂšre Ô Seigneur flagellez les nuĂ©es du coucher Qui vous tendent au ciel de si jolis culs roses Et c’est le soir les fleurs de jour dĂ©jĂ  se closent Et les souris dans l’ombre incantent le plancher Les humains savent tant de jeux l’amour la mourre L’amour jeu des nombrils ou jeu de la grande oie La mourre jeu du nombre illusoire des doigts Seigneur faites Seigneur qu’un jour je m’enamoure J’attends celle qui me tendra ses doigts menus Combien de signes blancs aux ongles les paresses Les mensonges pourtant j’attends qu’elle les dresse Ses mains enamourĂ©es devant moi l’Inconnue Seigneur que t’ai-je fait Vois Je suis unicorne Pourtant malgrĂ© son bel effroi concupiscent Comme un poupon chĂ©ri mon sexe est innocent D’ĂȘtre anxieux seul et debout comme une borne Seigneur le Christ est nu jetez jetez sur lui La robe sans couture Ă©teignez les ardeurs Au puits vont se noyer tant de tintements d’heures Quand isochrones choient des gouttes d’eau de pluie J’ai veillĂ© trente nuits sous les lauriers-roses As-tu suĂ© du sang Christ dans GethsĂ©mani CrucifiĂ© rĂ©ponds Dis non Moi je le nie Car j’ai trop espĂ©rĂ© en vain l’hĂ©matidrose J’écoutais Ă  genoux toquer les battements Du cƓur le sang roulait toujours en ses artĂšres Qui sont de vieux coraux ou qui sont des clavaires Et mon aorte Ă©tait avare Ă©perdument Une goutte tomba Sueur Et sa couleur Lueur Le sang si rouge et j’ai ri des damnĂ©s Puis enfin j’ai compris que je saignais du nez À cause des parfums violents de mes fleurs Et j’ai ri du vieil ange qui n’est point venu De vol trĂšs indolent me tendre un beau calice J’ai ri de l’aile grise et j’îte mon cilice TissĂ© de crins soyeux par de cruels canuts Vertuchou Riotant des vulves des papesses De saintes sans tetons j’irai vers les citĂ©s Et peut-ĂȘtre y mourir pour ma virginitĂ© Parmi les mains les peaux les mots et les promesses MalgrĂ© les autans bleus je me dresse divin Comme un rayon de lune adorĂ© par la mer En vain j’ai suppliĂ© tous les saints aĂ©mĂšres Aucun n’a consacrĂ© mes doux pains sans levain Et je marche Je fuis ĂŽ nuit Lilith ulule Et clame vainement et je vois de grands yeux S’ouvrir tragiquement Ô nuit je vois tes cieux S’étoiler calmement de splendides pilules Un squelette de reine innocente est pendu À un long fil d’étoile en dĂ©sespoir sĂ©vĂšre La nuit les bois sont noirs et se meurt l’espoir vert Quand meurt le jour avec un rĂąle inattendu Et je marche je fuis ĂŽ jour l’émoi de l’aube Ferma le regard fixe et doux de vieux rubis Des hiboux et voici le regard des brebis Et des truies aux tetins roses comme des lobes Des corbeaux Ă©ployĂ©s comme des tildes font Une ombre vaine aux pauvres champs de seigle mĂ»r Non loin des bourgs oĂč des chaumiĂšres sont impures D’avoir des hiboux morts clouĂ©s Ă  leur plafond Mes kilomĂštres longs Mes tristesses plĂ©niĂšres Les squelettes de doigts terminant les sapins Ont Ă©garĂ© ma route et mes rĂȘves poupins Souvent et j’ai dormi au sol des sapiniĂšres Enfin Ô soir pĂąmĂ© Au bout de mes chemins La ville m’apparut trĂšs grave au son des cloches Et ma luxure meurt Ă  prĂ©sent que j’approche En entrant j’ai bĂ©ni les foules des deux mains CitĂ© j’ai ri de tes palais tels que des truffes Blanches au sol fouillĂ© de clairiĂšres bleues Or mes dĂ©sirs s’en vont tous Ă  la queue leu leu Ma migraine pieuse a coiffĂ© sa cucuphe Car toutes sont venues m’avouer leurs pĂ©chĂ©s Et Seigneur je suis saint par le vƓu des amantes ZĂ©lotide et Lorie Louise et Diamante On dit Tu peux savoir ĂŽ toi l’effarouchĂ© Ermite absous nos fautes jamais vĂ©nielles Ô toi le pur et le contrit que nous aimons Sache nos cƓurs cache les jeux que nous aimons Et nos baisers quintessenciĂ©s comme du miel Et j’absous les aveux pourpres comme leur sang Des poĂ©tesses nues des fĂ©es des fornarines Aucun pauvre dĂ©sir ne gonfle ma poitrine Lorsque je vois le soir les couples s’enlaçant Car je ne veux plus rien sinon laisser se clore Mes yeux couple lassĂ© au verger pantelant Plein du rĂąle pompeux des groseilliers sanglants Et de la sainte cruautĂ© des passiflores AUTOMNE Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux Et son bƓuf lentement dans le brouillard d’automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux Et s’en allant lĂ -bas le paysan chantonne Une chanson d’amour et d’infidĂ©litĂ© Qui parle d’une bague et d’un cƓur que l’on brise Oh ! l’automne l’automne a fait mourir l’étĂ© Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises L’ÉMIGRANT DE LANDOR ROAD À AndrĂ© Billy Le chapeau Ă  la main il entra du pied droit Chez un tailleur trĂšs chic et fournisseur du roi Ce commerçant venait de couper quelques tĂȘtes De mannequins vĂȘtus comme il faut qu’on se vĂȘte La foule en tous les sens remuait en mĂȘlant Des ombres sans amour qui se traĂźnaient par terre Et des mains vers le ciel plein de lacs de lumiĂšre S’envolaient quelquefois comme des oiseaux blancsMon bateau partira demain pour l’AmĂ©riqueEt je ne reviendrai jamais Avec l’argent gagnĂ© dans les prairies lyriques Guider mon ombre aveugle en ces rues que j’aimais Car revenir c’est bon pour un soldat des Indes Les boursiers ont vendu tous mes crachats d’or fin Mais habillĂ© de neuf je veux dormir enfin Sous des arbres pleins d’oiseaux muets et de singes Les mannequins pour lui s’étant dĂ©shabillĂ©s Battirent leurs habits puis les lui essayĂšrent Le vĂȘtement d’un lord mort sans avoir payĂ© Au rabais l’habilla comme un millionnaireï»żAu dehors les annĂ©esï»żRegardaient la vitrineï»żLes mannequins victimesï»żEt passaient enchaĂźnĂ©es IntercalĂ©es dans l’an c’étaient les journĂ©es veuves Les vendredis sanglants et lents d’enterrements De blancs et de tout noirs vaincus des cieux qui pleuvent Quand la femme du diable a battu son amant Puis dans un port d’automne aux feuilles indĂ©cises Quand les mains de la foule y feuillolaient aussi Sur le pont du vaisseau il posa sa valiseï»żEt s’assit Les vents de l’OcĂ©an en soufflant leurs menaces Laissaient dans ses cheveux de longs baisers mouillĂ©s Des Ă©migrants tendaient vers le port leurs mains lasses Et d’autres en pleurant s’étaient agenouillĂ©s Il regarda longtemps les rives qui moururent Seuls des bateaux d’enfant tremblaient Ă  l’horizon Un tout petit bouquet flottant Ă  l’aventure Couvrit l’OcĂ©an d’une immense floraison Il aurait voulu ce bouquet comme la gloire Jouer dans d’autres mers parmi tous les dauphinsï»żEt l’on tissait dans sa mĂ©moireï»żUne tapisserie sans finï»żQui figurait son histoire Mais pour noyer changĂ©es en poux Ces tisseuses tĂȘtues qui sans cesse interrogentIl se maria comme un doge Aux cris d’une sirĂšne moderne sans Ă©poux Gonfle-toi vers la nuit Ô Mer Les yeux des squales Jusqu’à l’aube ont guettĂ© de loin avidement Des cadavres de jours rongĂ©s par les Ă©toiles Parmi le bruit des flots et les derniers serments ROSEMONDE À AndrĂ© Derain Longtemps au pied du perron de La maison oĂč entra la dame Que j’avais suivie pendant deux Bonnes heures Ă  Amsterdam Mes doigts jetĂšrent des baisers Mais le canal Ă©tait dĂ©sert Le quai aussi et nul ne vit Comment mes baisers retrouvĂšrent Celle Ă  qui j’ai donnĂ© ma vie Un jour pendant plus de deux heures Je la surnommai Rosemonde Voulant pouvoir me rappeler Sa bouche fleurie en Hollande Puis lentement je m’allai Pour quĂȘter la Rose du Monde LE BRASIER À Paul-NapolĂ©on Roinard J’ai jetĂ© dans le noble feu Que je transporte et que j’adore De vives mains et mĂȘme feu Ce PassĂ© ces tĂȘtes de morts Flamme je fais ce que tu veux Le galop soudain des Ă©toiles N’étant que ce qui deviendra Se mĂȘle au hennissement mĂąle Des centaures dans leurs haras Et des grand’plaintes vĂ©gĂ©tales OĂč sont ces tĂȘtes que j’avais OĂč est le Dieu de ma jeunesse L’amour est devenu mauvais Qu’au brasier les flammes renaissent Mon Ăąme au soleil se dĂ©vĂȘt Dans la plaine ont poussĂ© des flammes Nos cƓurs pendent aux citronniers Les tĂȘtes coupĂ©es qui m’acclament Et les astres qui ont saignĂ© Ne sont que des tĂȘtes de femmes Le fleuve Ă©pinglĂ© sur la ville T’y fixe comme un vĂȘtement Partant Ă  l’amphion docile Tu subis tous les tons charmants Qui rendent les pierres agiles Je flambe dans le brasier Ă  l’ardeur adorable Et les mains des croyants m’y rejettent multiple innombrablementLes membres des intercis flambent auprĂšs de moi Éloignez du brasier les ossements Je suffis pour l’éternitĂ© Ă  entretenir le feu de mes dĂ©lices Et des oiseaux protĂšgent de leurs ailes ma face et le soleil Ô MĂ©moire Combien de races qui forlignent Des Tyndarides aux vipĂšres ardentes de mon bonheur Et les serpents ne sont-ils que les cous des cygnes Qui Ă©taient immortels et n’étaient pas chanteurs Voici ma vie renouvelĂ©e De grands vaisseaux passent et repassent Je trempe une fois encore mes mains dans l’OcĂ©an Voici le paquebot et ma vie renouvelĂ©e Ses flammes sont immenses Il n’y a plus rien de commun entre moi Et ceux qui craignent les brĂ»lures Descendant des hauteurs oĂč pense la lumiĂšre Jardins rouant plus haut que tous les ciels mobiles L’avenir masquĂ© flambĂ© en traversant les cieux Nous attendons ton bon plaisir ĂŽ mon amie J’ose Ă  peine regarder la divine mascarade Quand bleuira sur l’horizon la DĂ©sirade Au delĂ  de notre atmosphĂšre s’élĂšve un théùtre Que construisit le ver Zamir sans instrument Puis le soleil revint ensoleiller les places D’une ville marine apparue contremont Sur les toits se reposaient les colombes lasses Et le troupeau de sphinx regagne la sphingerie À petits pas Il orra le chant du pĂątre toute la vie LĂ -haut le théùtre est bĂąti avec le feu solide Comme les astres dont se nourrit le videï»żEt voici le spectacle Et pour toujours je suis assis dans un fauteuil Ma tĂȘte mes genoux mes coudes vain pentacle Les flammes ont poussĂ© sur moi comme des feuilles Des acteurs inhumains claires bĂȘtes nouvelles Donnent des ordres aux hommes apprivoisĂ©sï»żTerre Ô DĂ©chirĂ©e que les fleuves ont reprisĂ©e J’aimerais mieux nuit et jour dans les sphingeries Vouloir savoir pour qu’enfin on m’y dĂ©vorĂąt RHÉNANES NUIT RHÉNANE Mon verre est plein d’un vin trembleur comme une flamme Écoutez la chanson lente d’un batelier Qui raconte avoir vu sous la lune sept femmes Tordre leurs cheveux verts et longs jusqu’à leurs pieds Debout chantez plus haut en dansant une ronde Que je n’entende plus le chant du batelier Et mettez prĂšs de moi toutes les filles blondes Au regard immobile aux nattes repliĂ©es Le Rhin le Rhin est ivre oĂč les vignes se mirent Tout l’or des nuits tombe en tremblant s’y reflĂ©ter La voix chante toujours Ă  en rĂąle-mourir Ces fĂ©es aux cheveux verts qui incantent l’étĂ© Mon verre s’est brisĂ© comme un Ă©clat de rire MAI Le mai le joli mai en barque sur le Rhin Des dames regardaient du haut de la montagne Vous ĂȘtes si jolies mais la barque s’éloigne Qui donc a fait pleurer les saules riverains Or des vergers fleuris se figeaient en arriĂšre Les pĂ©tales tombĂ©s des cerisiers de mai Sont les ongles de celle que j’ai tant aimĂ©e Les pĂ©tales flĂ©tris sont comme ses paupiĂšres Sur le chemin du bord du fleuve lentement Un ours un singe un chien menĂ©s par des tziganes Suivaient une roulotte traĂźnĂ©e par un Ăąne Tandis que s’éloignait dans les vignes rhĂ©nanes Sur un fifre lointain un air de rĂ©giment Le mai le joli mai a parĂ© les ruines De lierre de vigne vierge et de rosiers Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes LA SYNAGOGUE Ottomar Scholem et Abraham Loeweren CoiffĂ©s de feutres verts le matin du sabbat Vont Ă  la synagogue en longeant le Rhin Et les coteaux oĂč les vignes rougissent lĂ -bas Ils se disputent et crient des choses qu’on ose Ă  peine traduireBĂątard conçu pendant les rĂšgles ou Que le diable entre dans ton pĂšreLe vieux Rhin soulĂšve sa face ruisselante et se dĂ©tourne pour sourireOttomar Scholem et Abraham Loeweren sont en colĂšre Parce que pendant le sabbat on ne doit pas fumer Tandis que les chrĂ©tiens passent avec des cigares allumĂ©s Et parce qu’Ottomar et Abraham aiment tous deux Lia aux yeux de brebis et dont le ventre avance un peu Pourtant tout Ă  l’heure dans la synagogue l’un aprĂšs l’autreIls baiseront la thora en soulevant leur beau chapeau Parmi les feuillards de la fĂȘte des cabanes Ottomar en chantant sourira Ă  Abraham Ils dĂ©chanteront sans mesure et les voix graves des hommesFeront gĂ©mir un LĂ©viathan au fond du Rhin comme une voix d’automneEt dans la synagogue pleine de chapeaux on agitera les loulabimHanoten ne Kamoth bagoim tholahoth baleoumim LES CLOCHES Mon beau tzigane mon amant Écoute les cloches qui sonnent Nous nous aimions Ă©perdument Croyant n’ĂȘtre vus de personne Mais nous Ă©tions bien mal cachĂ©s Toutes les cloches Ă  la ronde Nous ont vus du haut des clochers Et le disent Ă  tout le monde Demain Cyprien et Henri Marie Ursule et Catherine La boulangĂšre et son mari Et puis Gertrude ma cousine Souriront quand je passerai Je ne saurai plus oĂč me mettre Tu seras loin Je pleurerai J’en mourrai peut-ĂȘtre LA LORELEY À Jean SĂšve À Bacharach il y avait une sorciĂšre blonde Qui laissait mourir d’amour tous les hommes Ă  la ronde Devant son tribunal l’évĂȘque la fit citer D’avance il l’absolvit Ă  cause de sa beautĂ© Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits Ceux qui m’ont regardĂ© Ă©vĂȘque en ont pĂ©ri Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie Je flambe dans ces flammes ĂŽ belle Loreley Qu’un autre te condamne tu m’as ensorcelĂ© ÉvĂȘque vous riez Priez plutĂŽt pour moi la Vierge Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protĂšge Mon amant est parti pour un pays lointain Faites-moi donc mourir puisque je n’aime rien Mon cƓur me fait si mal il faut bien que je meure Si je me regardais il faudrait que j’en meure Mon cƓur me fait si mal depuis qu’il n’est plus lĂ  Mon cƓur me fit si mal du jour oĂč il s’en alla L’évĂȘque fit venir trois chevaliers avec leurs lances Menez jusqu’au couvent cette femme en dĂ©mence Va-t’en Lore en folie va Lore aux yeux tremblants Tu seras une nonne vĂȘtue de noir et blanc Puis ils s’en allĂšrent sur la route tous les quatre La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut Pour voir une fois encore mon beau chĂąteau Pour me mirer une fois encore dans le fleuve Puis j’irai au couvent des vierges et des veuves LĂ -haut le vent tordait ses cheveux dĂ©roulĂ©s Les chevaliers criaient Loreley Loreley Tout lĂ -bas sur le Rhin s’en vient une nacelle Et mon amant s’y tient il m’a vue il m’appelle Mon cƓur devient si doux c’est mon amant qui vient Elle se penche alors et tombe dans le Rhin Pour avoir vu dans l’eau la belle Loreley Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil SCHINDERHANNES À Marius-Ary Leblond Dans la forĂȘt avec sa bande Schinderhannes s’est dĂ©sarmĂ© Le brigand prĂšs de sa brigande Hennit d’amour au joli mai Benzel accroupi lit la Bible Sans voir que son chapeau pointu À plume d’aigle sert de cible À Jacob Born le mal foutu Juliette Blaesius qui rote Fait semblant d’avoir le hoquet Hannes pousse une fausse note Quand Schulz vient portant un baquet Et s’écrie en versant des larmes Baquet plein de vin parfumĂ© Viennent aujourd’hui les gendarmes Nous aurons bu le vin de mai Allons Julia la mam’zelle Bois avec nous ce clair bouillon D’herbes et de vin de Moselle Prosit Bandit en cotillon Cette brigande est bientĂŽt soĂ»le Et veut Hannes qui n’en veut pas Pas d’amour maintenant ma poule Sers-nous un bon petit repas Il faut ce soir que j’assassine Ce riche juif au bord du Rhin Au clair de torches de rĂ©sine La fleur de mai c’est le florin On mange alors toute la bande PĂšte et rit pendant le dĂźner Puis s’attendrit Ă  l’allemande Avant d’aller assassiner RHÉNANE D’AUTOMNE À Toussaint Luca Les enfants des morts vont jouer Dans le cimetiĂšre Martin Gertrude Hans et Henri Nul coq n’a chantĂ© aujourd’hui Kikiriki Les vieilles femmes Tout en pleurant cheminent Et les bons Ăąnes Braillent hi han et se mettent Ă  brouter les fleurs Des couronnes mortuaires C’est le jour des morts et de toutes leurs Ăąmes Les enfants et les vieilles femmes Allument des bougies et des cierges Sur chaque tombe catholique Les voiles des vieilles Les nuages du ciel Sont comme des barbes de biques L’air tremble de flammes et de priĂšres Le cimetiĂšre est un beau jardin Plein des saules gris et de romarins Il vous vient souvent des amis qu’on enterre Ah ! que vous ĂȘtes bien dans le beau cimetiĂšre Vous mendiants morts saouls de biĂšre Vous les aveugles comme le destin Et vous petits enfants morts en priĂšre Ah ! que vous ĂȘtes bien dans le beau cimetiĂšre Vous bourgmestres vous bateliers Et vous conseillers de rĂ©gence Vous aussi tziganes sans papiers La vie vous pourrit dans la panse La croix nous pousse entre les pieds Le vent du Rhin ulule avec tous les hiboux Il Ă©teint les cierges que toujours les enfants rallument Et les feuilles mortes Viennent couvrir les morts Des enfants morts parlent parfois avec leur mĂšre Et des mortes parfois voudraient bien revenir Oh ! je ne veux pas que tu sortes L’automne est plein de mains coupĂ©es Non non ce sont des feuilles mortes Ce sont les mains des chĂšres mortes Ce sont tes mains coupĂ©es Nous avons tant pleurĂ© aujourd’hui Avec ces morts leurs enfants et les vieilles femmes Sous le ciel sans soleil Au cimetiĂšre plein de flammes Puis dans le vent nous nous en retournĂąmes À nos pieds roulaient des chĂątaignes Dont les bogues Ă©taient Comme le cƓur blessĂ© de la madone Dont on doute si elle eut la peau Couleur des chĂątaignes d’automne LES SAPINS Les sapins en bonnets pointus De longues robes revĂȘtus Comme des astrologues Saluent leurs frĂšres abattus Les bateaux qui sur le Rhin voguent Dans les sept arts endoctrinĂ©s Par les vieux sapins leurs aĂźnĂ©s Qui sont de grands poĂštes Ils se savent prĂ©destinĂ©s À briller plus que des planĂštes À briller doucement changĂ©s En Ă©toiles et enneigĂ©s Aux NoĂ«ls bienheureuses FĂȘtes des sapins ensongĂ©s Aux longues branches langoureuses Les sapins beaux musiciens Chantent des noĂ«ls anciens Au vent des soirs d’automne Ou bien graves magiciens Incantent le ciel quand il tonne Des rangĂ©es de blancs chĂ©rubins Remplacent l’hiver les sapins Et balancent leurs ailes L’étĂ© ce sont de grands rabbins Ou bien de vieilles demoiselles Sapins mĂ©decins divagants Ils vont offrant leurs bons onguents Quand la montagne accouche De temps en temps sous l’ouragan Un vieux sapin geint et se couche LES FEMMES Dans la maison du vigneron les femmes cousentLenchen remplis le poĂȘle et mets l’eau du cafĂ©Dessus — Le chat s’étire aprĂšs s’ĂȘtre chauffé— Gertrude et son voisin Martin enfin s’épousent Le rossignol aveugle essaya de chanter Mais l’effraie ululant il trembla dans sa cageCe cyprĂšs lĂ -bas a l’air du pape en voyageSous la neige — Le facteur vient de s’arrĂȘterPour causer avec le nouveau maĂźtre d’école— Cet hiver est trĂšs froid le vin sera trĂšs bon— Le sacristain sourd et boiteux est moribond— La fille du vieux bourgmestre brode une Ă©tole Pour la fĂȘte du curĂ© La forĂȘt lĂ -bas GrĂące au vent chantait Ă  voix grave de grand orgue Le songe Herr Traum survint avec sa sƓur Frau SorgeKĂŠthi tu n’as pas bien raccommodĂ© ces bas— Apporte le cafĂ© le beurre et les tartinesLa marmelade le saindoux un pot de lait— Encore un peu de cafĂ© Lenchen s’il te plaĂźt— On dirait que le vent dit des phrases latines— Encore un peu de cafĂ© Lenchen s’il te plaĂźt— Lotte es-tu triste Ô petit cƓur — Je crois qu’elle aime— Dieu garde — Pour ma part je n’aime que moi-mĂȘme— Chut À prĂ©sent grand’mĂšre dit son chapelet— Il me faut du sucre candi Leni je tousse— Pierre mĂšne son furet chasser les lapins Le vent faisait danser en rond tous les sapinsLotte l’amour rend triste — Ilse la vie est douce La nuit tombait Les vignobles aux ceps tordus Devenaient dans l’obscuritĂ© des ossuaires En neige et repliĂ©s gisaient lĂ  des suaires Et des chiens aboyaient aux passants morfondusIl est mort Ă©coutez La cloche de l’église Sonnait tout doucement la mort du sacristainLise il faut attiser le poĂȘle qui s’éteint Les femmes se signaient dans la nuit indĂ©cise Septembre 1901-Mai 1902. SIGNE Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne Partant j’aime les fruits je dĂ©teste les fleurs Je regrette chacun des baisers que je donne Tel un noyer gaulĂ© dit au vent ses douleurs Mon Automne Ă©ternelle ĂŽ ma saison mentale Les mains des amantes d’antan jonchent ton sol Une Ă©pouse me suit c’est mon ombre fatale Les colombes ce soir prennent leur dernier vol UN SOIR Un aigle descendit de ce ciel blanc d’archangesEt vous soutenez-moi Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampesPriez priez pour moi La ville est mĂ©tallique et c’est la seule Ă©toileNoyĂ©e dans tes yeux bleus Quand les tramways roulaient jaillissaient des feux pĂąlesSur des oiseaux galeux Et tout ce qui tremblait dans tes yeux de mes songesï»żQu’un seul homme buvait Sous les feux de gaz roux comme la fausse orongeï»żĂ” vĂȘtue ton bras se lovait Vois l’histrion tire la langue aux attentivesï»żUn fantĂŽme s’est suicidĂ© L’apĂŽtre au figuier pend et lentement saliveï»żJouons donc cet amour aux dĂ©s Des cloches aux sons clairs annonçaient ta naissanceï»żVois Les chemins sont fleuris et les palmes s’avancentï»żVers toi LA DAME Toc toc Il a fermĂ© sa porte Les lys du jardin sont flĂ©tris Quel est donc ce mort qu’on emporte Tu viens de toquer Ă  sa porte Et trotte trotte Trotte la petite souris LES FIANÇAILLES À Picasso Le printemps laisse errer les fiancĂ©s parjures Et laisse feuilloler longtemps les plumes bleues Que secoue le cyprĂšs oĂč niche l’oiseau bleu Une Madone Ă  l’aube a pris les Ă©glantines Elle viendra demain cueillir les giroflĂ©es Pour mettre aux nids des colombes qu’elle destine Au pigeon qui ce soir semblait le Paraclet Au petit bois de citronniers s’enamourĂšrent D’amour que nous aimons les derniĂšres venues Les villages lointains sont comme leurs paupiĂšres Et parmi les citrons leurs cƓurs sont suspendus Mes amis m’ont enfin avouĂ© leur mĂ©pris Je buvais Ă  pleins verres les Ă©toiles Un ange a exterminĂ© pendant que je dormais Les agneaux les pasteurs des tristes bergeries De faux centurions emportaient le vinaigre Et les gueux mal blessĂ©s par l’épurge dansaient Étoiles de l’éveil je n’en connais aucune Les becs de gaz pissaient leur flamme au clair de lune Des croque-morts avec des bocks tintaient des glas À la clartĂ© des bougies tombaient vaille que vaille Des faux-cols sur des flots de jupes mal brossĂ©es Des accouchĂ©es masquĂ©es fĂȘtaient leurs relevailles La ville cette nuit semblait un archipel Des femmes demandaient l’amour et la dulie Et sombre sombre fleuve je me rappelle Les ombres qui passaient n’étaient jamais jolies Je n’ai plus mĂȘme pitiĂ© de moi Et ne puis exprimer mon tourment de silence Tous les mots que j’avais Ă  dire se sont changĂ©s en Ă©toiles Un Icare tente de s’élever jusqu’à chacun de mes yeux Et porteur de soleils je brĂ»le au centre de deux nĂ©buleuses Qu’ai-je fait aux bĂȘtes thĂ©ologales de l’intelligence Jadis les morts sont revenus pour m’adorer Et j’espĂ©rais la fin du monde Mais la mienne arrive en sifflant comme un ouragan J’ai eu le courage de regarder en arriĂšre Les cadavres de mes jours Marquent ma route et je les pleure Les uns pourrissent dans les Ă©glises italiennes Ou bien dans de petits bois de citronniers Qui fleurissent et fructifient En mĂȘme temps et en toute saison D’autres jours ont pleurĂ© avant de mourir dans des tavernes OĂč d’ardents bouquets rouaient Aux yeux d’une mulĂątresse qui inventait la poĂ©sie Et les roses de l’électricitĂ© s’ouvrent encore Dans le jardin de ma mĂ©moire Pardonnez-moi mon ignorance Pardonnez-moi de ne plus connaĂźtre l’ancien jeu des vers Je ne sais plus rien et j’aime uniquement Les fleurs Ă  mes yeux redeviennent des flammes Je mĂ©dite divinement Et je souris des ĂȘtres que je n’ai pas créés Mais si le temps venait oĂč l’ombre enfin solide Se multipliait en rĂ©alisant la diversitĂ© formelle de mon amour J’admirerais mon ouvrage J’observe le repos du dimanche Et je loue la paresse Comment comment rĂ©duire L’infiniment petite science Que m’imposent mes sens L’un est pareil aux montagnes au ciel Aux villes Ă  mon amour Il ressemble aux saisons Il vit dĂ©capitĂ© sa tĂȘte est le soleil Et la lune son cou tranchĂ© Je voudrais Ă©prouver une ardeur infinie Monstre de mon ouĂŻe tu rugis et tu pleures Le tonnerre te sert de chevelure Et tes griffes rĂ©pĂštent le chant des oiseaux Le toucher monstrueux m’a pĂ©nĂ©trĂ© m’empoisonne Mes yeux nagent loin de moi Et les astres intacts sont mes maĂźtres sans Ă©preuve La bĂȘte des fumĂ©es a la tĂȘte fleurie Et le monstre le plus beau Ayant la saveur du laurier se dĂ©sole À la fin les mensonges ne me font plus peur C’est la lune qui cuit comme un Ɠuf sur le plat Ce collier de gouttes d’eau va parer la noyĂ©e Voici mon bouquet de fleurs de la Passion Qui offrent tendrement deux couronnes d’épines Les rues sont mouillĂ©es de la pluie de naguĂšre Des anges diligents travaillent pour moi Ă  la maison La lune et la tristesse disparaĂźtront pendant Toute la sainte journĂ©e Toute la sainte journĂ©e j’ai marchĂ© en chantant Une dame penchĂ©e Ă  sa fenĂȘtre m’a regardĂ© longtemps M’éloigner en chantant Au tournant d’une rue je vis des matelots Qui dansaient le cou nu au son d’un accordĂ©on J’ai tout donnĂ© au soleil Tout sauf mon ombre Les dragues les ballots les sirĂšnes mi-mortes À l’horizon brumeux s’enfonçaient les trois-mĂąts Les vents ont expirĂ© couronnĂ©s d’anĂ©mones Ô Vierge signe pur du troisiĂšme mois Templiers flamboyants je brĂ»le parmi vous ProphĂ©tisons ensemble ĂŽ grand maĂźtre je suis Le dĂ©sirable feu qui pour vous se dĂ©voue Et la girande tourne ĂŽ belle ĂŽ belle nuit Liens dĂ©liĂ©s par une libre flamme Ardeur Que mon souffle Ă©teindra Ô Morts Ă  quarantaine Je mire de ma mort la gloire et le malheur Comme si je visais l’oiseau de la quintaine Incertitude oiseau feint peint quand vous tombiez Le soleil et l’amour dansaient dans le village Et tes enfants galants bien ou mal habillĂ©s Ont bĂąti ce bĂ»cher le nid de mon courage CLAIR DE LUNE Lune mellifluente aux lĂšvres des dĂ©ments Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands Les astres assez bien figurent les abeilles De ce miel lumineux qui dĂ©goutte des treilles Car voici que tout doux et leur tombant du ciel Chaque rayon de lune est un rayon de miel Or cachĂ© je conçois la trĂšs douce aventure J’ai peur du dard de feu de cette abeille Arcture Qui posa dans mes mains des rayons dĂ©cevants Et prit son miel lunaire Ă  la rose des vents 1909 La dame avait une robe En ottoman violine Et sa tunique brodĂ©e d’or Était composĂ©e de deux panneaux S’attachant sur l’épaule Les yeux dansants comme des anges Elle riait elle riait Elle avait un visage aux couleurs de France Les yeux bleus les dents blanches et les lĂšvres trĂšs rouges Elle avait un visage aux couleurs de France Elle Ă©tait dĂ©colletĂ©e en rond Et coiffĂ©e Ă  la RĂ©camier Avec de beaux bras nus N’entendra-t-on jamais sonner minuit La dame en robe d’ottoman violine Et en tunique brodĂ©e d’or DĂ©colletĂ©e en rond Promenait ses boucles Son bandeau d’or Et traĂźnait ses petits souliers Ă  boucles Elle Ă©tait si belle Que tu n’aurais pas osĂ© l’aimer J’aimais les femmes atroces dans les quartiers Ă©normes OĂč naissaient chaque jour quelques ĂȘtres nouveaux Le fer Ă©tait leur sang la flamme leur cerveau J’aimais j’aimais le peuple habile des machines Le luxe et la beautĂ© ne sont que son Ă©cume Cette femme Ă©tait si belle Qu’elle me faisait peur À LA SANTÉ I Avant d’entrer dans ma cellule Il a fallu me mettre nu Et quelle voix sinistre ulule Guillaume qu’es-tu devenu Le Lazare entrant dans la tombe Au lieu d’en sortir comme il fit Adieu adieu chantante ronde Ô mes annĂ©es ĂŽ jeunes filles II Non je ne me sens plus lĂ Moi-mĂȘme Je suis le quinze de laOnziĂšme Le soleil filtre Ă  traversLes vitres Ses rayons font sur mes versLes pitres Et dansent sur le papierJ’écoute Quelqu’un qui frappe du piedLa voĂ»te III Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promĂšne Tournons tournons tournons toujours Le ciel est bleu comme une chaĂźne Dans une fosse comme un ours Chaque matin je me promĂšne Dans la cellule d’à cĂŽtĂ© On y fait couler la fontaine Avec les clefs qu’il fait tinter Que le geĂŽlier aille et revienne Dans la cellule d’à cĂŽtĂ© On y fait couler la fontaine IV Que je m’ennuie entre ces murs tout nusEt peints de couleurs pĂąles Une mouche sur le papier Ă  pas menusParcourt mes lignes inĂ©gales Que deviendrai-je ĂŽ Dieu qui connais ma douleurToi qui me l’as donnĂ©e Prends en pitiĂ© mes yeux sans larmes ma pĂąleurLe bruit de ma chaise enchaĂźnĂ©e Et tous ces pauvres cƓurs battant dans la prisonL’Amour qui m’accompagne Prends en pitiĂ© surtout ma dĂ©bile raisonEt ce dĂ©sespoir qui la gagne V Que lentement passent les heures Comme passe un enterrement Tu pleureras l’heure oĂč tu pleures Qui passera trop vitement Comme passent toutes les heures VI J’écoute les bruits de la ville Et prisonnier sans horizon Je ne vois rien qu’un ciel hostile Et les murs nus de ma prison Le jour s’en va voici que brĂ»le Une lampe dans la prison Nous sommes seuls dans ma cellule Belle clartĂ© ChĂšre raison Septembre 1911 AUTOMNE MALADE Automne malade et adorĂ© Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies Quand il aura neigĂ© Dans les vergers Pauvre automne Meurs en blancheur et en richesse De neige et de fruits mĂ»rs Au fond du ciel Des Ă©perviers planent Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines Qui n’ont jamais aimĂ© Aux lisiĂšres lointaines Les cerfs ont bramĂ© Et que j’aime ĂŽ saison que j’aime tes rumeurs Les fruits tombant sans qu’on les cueille Le vent et la forĂȘt qui pleurent Toutes leurs larmes en automne feuille Ă  feuilleï»żLes feuillesï»żQu’on fouleï»żUn trainï»żQui rouleï»żLa vieï»żS’écoule HÔTELS La chambre est veuve Chacun pour soi PrĂ©sence neuve On paye au mois Le patron doute Payera-t-on Je tourne en route Comme un toton Le bruit des fiacres Mon voisin laid Qui fume un Ăącre Tabac anglais Ô La ValliĂšre Qui boite et rit De mes priĂšres Table de nuit Et tous ensemble Dans cet hĂŽtel Savons la langue Comme Ă  Babel Fermons nos portes À double tour Chacun apporte Son seul amour CORS DE CHASSE Notre histoire est noble et tragique Comme le masque d’un tyran Nul drame hasardeux ou magique Aucun dĂ©tail indiffĂ©rent Ne rend notre amour pathĂ©tique Et Thomas de Quincey buvant L’opium poison doux et chaste À sa pauvre Anne allait rĂȘvant Passons passons puisque tout passe Je me retournerai souvent Les souvenirs sont cors de chasse Dont meurt le bruit parmi le vent VENDÉMIAIRE Hommes de l’avenir souvenez-vous de moi Je vivais Ă  l’époque oĂč finissaient les rois Tour Ă  tour ils mouraient silencieux et tristes Et trois fois courageux devenaient trismĂ©gistes Que Paris Ă©tait beau Ă  la fin de septembre Chaque nuit devenait une vigne oĂč les pampres RĂ©pandaient leur clartĂ© sur la ville et lĂ -haut Astres mĂ»rs becquetĂ©s par les ivres oiseaux De ma gloire attendaient la vendange de l’aube Un soir passant le long des quais dĂ©serts et sombres En rentrant Ă  Auteuil j’entendis une voix Qui chantait gravement se taisant quelquefois Pour que parvint aussi sur les bords de la Seine La plainte d’autres voix limpides et lointaines Et j’écoutai longtemps tous ces chants et ces cris Qu’éveillait dans la nuit la chanson de Paris J’ai soif villes de France et d’Europe et du monde Venez toutes couler dans ma gorge profonde Je vis alors que dĂ©jĂ  ivre dans la vigne Paris Vendangeait le raisin le plus doux de la terre Ces grains miraculeux qui aux treilles chantĂšrent Et Rennes rĂ©pondit avec Quimper et Vannes Nous voici ĂŽ Paris Nos maisons nos habitants Ces grappes de nos sens qu’enfanta le soleil Se sacrifient pour te dĂ©saltĂ©rer trop avide merveille Nous t’apportons tous les cerveaux les cimetiĂšres les muraillesCes berceaux pleins de cris que tu n’entendras pas Et d’amont en aval nos pensĂ©es ĂŽ riviĂšres Les oreilles des Ă©coles et nos mains rapprochĂ©es Aux doigts allongĂ©s nos mains les clochers Et nous t’apportons aussi cette souple raison Que le mystĂšre clĂŽt comme une porte la maison Ce mystĂšre courtois de la galanterie Ce mystĂšre fatal fatal d’une autre vie Double raison qui est au delĂ  de la beautĂ© Et que la GrĂšce n’a pas connue ni l’Orient Double raison de la Bretagne oĂč lame Ă  lame L’ocĂ©an chĂątre peu Ă  peu l’ancien continent Et les villes du Nord rĂ©pondirent gaĂźment Ô Paris nous voici boissons vivantes Les viriles citĂ©s oĂč dĂ©goisent et chantent Les mĂ©talliques saints de nos saintes usines Nos cheminĂ©es Ă  ciel ouvert engrossent les nuĂ©es Comme fit autrefois l’Ixion mĂ©canique Et nos mains innombrables Usines manufactures fabriques mains OĂč les ouvriers nus semblables Ă  nos doigts Fabriquent du rĂ©el Ă  tant par heure Nous te donnons tous cela Et Lyon rĂ©pondit tandis que les anges de FourviĂšres Tissaient un ciel nouveau avec la soie des priĂšres DĂ©saltĂšre toi Paris avec les divines paroles Que mes lĂšvres le RhĂŽne et la SaĂŽne murmurent Toujours le mĂȘme culte de sa mort renaissant Divise ici les saints et fait pleuvoir le sang Heureuse pluie ĂŽ gouttes tiĂšdes ĂŽ douleur Un enfant regarde les fenĂȘtres s’ouvrir Et des grappes de tĂȘtes Ă  d’ivres oiseaux s’offrir Les villes du Midi rĂ©pondirent alors Noble Paris seule raison qui vis encore Qui fixes notre humeur selon ta destinĂ©e Et toi qui te retires MĂ©diterranĂ©e Partagez-vous nos corps comme on rompt des hosties Ces trĂšs hautes amours et leur danse orpheline Deviendront ĂŽ Paris le vin pur que tu aimes Et un rĂąle infini qui venait de Sicile Signifiait en battement d’ailes ces paroles Les raisins de nos vignes on les a vendangĂ©s Et ces grappes de morts dont les grains allongĂ©s Ont la saveur du sang de la terre et du sel Les voici pour ta soif ĂŽ Paris sous le ciel Obscurci de nuĂ©es famĂ©liques Que caresse Ixion le crĂ©ateur oblique Et oĂč naissent sur la mer tous les corbeaux d’Afrique Ô raisins Et ces yeux ternes et en famille L’avenir et la vie dans ces treilles s’ennuyent Mais oĂč est le regard lumineux des sirĂšnes Il trompa les marins qu’aimaient ces oiseaux-lĂ  Il ne tournera plus sur l’écueil de Scylla OĂč chantaient les trois voix suaves et sereines Le dĂ©troit tout Ă  coup avait changĂ© de face Visages de la chair de l’onde de tout Ce que l’on peut imaginer Vous n’ĂȘtes que des masques sur des faces masquĂ©es Il souriait jeune nageur entre les rives Et les noyĂ©s flottant sur son onde nouvelle Fuyaient en le suivant les chanteuses plaintives Elles dirent adieu au gouffre et Ă  l’écueil À leurs pĂąles Ă©poux couchĂ©s sur les terrasses Puis ayant pris leur vol vers le brĂ»lant soleil Les suivirent dans l’onde oĂč s’enfoncent les astres Lorsque la nuit revint couverte d’yeux ouverts Errer au site oĂč l’hydre a sifflĂ© cet hiver Et j’entendis soudain ta voix impĂ©rieuse Ô Rome Maudire d’un seul coup mes anciennes pensĂ©es Et le ciel oĂč l’amour guide les destinĂ©es Les feuillards repoussĂ©s sur l’arbre de la croix Et mĂȘme la fleur de lys qui meurt au Vatican MacĂšrent dans le vin que je t’offre et qui a La saveur du sang pur de celui qui connaĂźt Une autre libertĂ© vĂ©gĂ©tale dont tu Ne sais pas que c’est elle la suprĂȘme vertu Une couronne de trirĂšgne est tombĂ©e sur les dalles Les hiĂ©rarques la foulent sous leurs sandales Ô splendeur dĂ©mocratique qui pĂąlit Vienne la nuit royale oĂč l’on tuera les bĂȘtes La louve avec l’agneau l’aigle avec la colombe Une foule de rois ennemis et cruels Ayant soif comme toi dans la vigne Ă©ternelle Sortiront de la terre et viendront dans les airs Pour boire de mon vin par deux fois millĂ©naire La Moselle et le Rhin se joignent en silence C’est l’Europe qui prie nuit et jour Ă  Coblence Et moi qui m’attardais sur le quai Ă  Auteuil Quand les heures tombaient parfois comme les feuilles Du cep lorsqu’il est temps j’entendis la priĂšre Qui joignait la limpiditĂ© de ces riviĂšres Ô Paris le vin de ton pays est meilleur que celui Qui pousse sur nos bords mais aux pampres du nord Tous les grains ont mĂ»ri pour cette soif terrible Mes grappes d’hommes forts saignent dans le pressoir Tu boiras Ă  longs traits tout le sang de l’Europe Parce que tu es beau et que seul tu es noble Parce que c’est dans toi que Dieu peut devenir Et tous mes vignerons dans ces belles maisons Qui reflĂštent le soir leurs feux dans nos deux eaux Dans ces belles maisons nettement blanches et noires Sans savoir que tu es la rĂ©alitĂ© chantent ta gloire Mais nous liquides mains jointes pour la priĂšre Nous menons vers le sel les eaux aventuriĂšres Et la ville entre nous comme entre des ciseaux Ne reflĂšte en dormant nul feu dans ses deux eaux Dont quelque sifflement lointain parfois s’élance Troublant dans leur sommeil les filles de Coblence Les villes rĂ©pondaient maintenant par centaines Je ne distinguais plus leurs paroles lointaines Et TrĂšves la ville ancienne À leur voix mĂȘlait la sienne L’univers tout entier concentrĂ© dans ce vin Qui contentait les mers les animaux les plantes Les citĂ©s les destins et les astres qui chantent Les hommes Ă  genoux sur la rive du ciel Et le docile fer notre bon compagnon Le feu qu’il faut aimer comme on s’aime soi-mĂȘme Tous les fiers trĂ©passĂ©s qui sont un sous mon front L’éclair qui luit ainsi qu’une pensĂ©e naissante Tous les noms six par six les nombres un Ă  un Des kilos de papier tordus comme des flammes Et ceux-lĂ  qui sauront blanchir nos ossements Les bons vers immortels qui s’ennuient patiemment Des armĂ©es rangĂ©es en bataille Des forĂȘts de crucifix et mes demeures lacustres Au bord des yeux de celle que j’aime tant Les fleurs qui s’écrient hors de bouches Et tout ce que je ne sais pas dire Tout ce que je ne connaĂźtrai jamais Tout cela tout cela changĂ© en ce vin pur Dont Paris avait soif Me fut alors prĂ©sentĂ© Actions belles journĂ©es sommeils terribles VĂ©gĂ©tation Accouplements musiques Ă©ternelles Mouvements Adorations douleur divine Mondes qui vous ressemblez et qui nous ressemblez je vous ai bu et ne fus pas dĂ©saltĂ©rĂ© Mais je connus dĂšs lors quelle saveur a l’univers Je suis ivre d’avoir bu tout l’univers Sur le quai d’oĂč je voyais l’onde couler et dormir les bĂ©landres Écoutez-moi je suis le gosier de Paris Et je boirai encore s’il me plaĂźt l’univers Écoutez mes chants d’universelle ivrognerie Et la nuit de septembre s’achevait lentement Les feux rouges des ponts s’éteignaient dans la Seine Les Ă©toiles mouraient le jour naissait Ă  peine Paroles de la chanson Merci... pour tout merci papa par Michel Sardou C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. On est dans l'coup papa, Et jusqu'au cou. Toi tu t'envoies en l'air Et nous voilĂ  sur terre. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup . Vous direz Ă  mes filles, quand elles auront quinze ans, Qu'elles sont nĂ©es un jour d'un Ă©clat de printemps. Leur maman Ă©tait belle et j'en avais envie Mais le ciel m'est tĂ©moin que je n'ai rien promis. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. On est dans l'coup papa, Et jusqu'au cou. Toi tu t'envoies en l'air Et nous voilĂ  sur terre. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. Vous direz Ă  mes filles, quand elles auront quinze ans, De se mĂ©fier des hommes qui leur disent en chantant Des paroles d'argent pour atteindre leur cƓur Et font en mĂȘme temps le geste du semeur. C'est un beau coup papa, Un coup de trop. Coucou et nous voilĂ , AnnĂ©e zĂ©ro. Toi tu as disparu Au premier coin de rue. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. Vous direz Ă  mes filles, si vous les rencontrez, De bien jouir de la vie que je leur ai donnĂ©e, De jouer Ă  tous les jeux et surtout Ă  l'amour, Et d'oublier demain pour le bonheur du jour. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. On est dans l'coup papa, Et jusqu'au cou. Toi tu t'envoies en l'air Et nous voilĂ  sur terre. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. C'est un beau coup papa, Un coup de trop. Coucou et nous voilĂ , AnnĂ©e zĂ©ro. Toi tu as disparu Au premier coin de rue. C'est un beau coup papa, Merci beaucoup. Tu m'avais dit "Pour le printemps Je t'offrirai un bel enfant" Nous Ă©tions fous, nous Ă©tions deux Qu'il Ă©tait doux d'ĂȘtre amoureux Avec l'automne, les feuilles se sont fanĂ©es C'est en hiver que c'est arrivĂ©. Tu conduisais vite, la route Ă©tait verglacĂ©e Je crois qu'il neigeait, tu m'as quittĂ©. On s'Ă©tait dit "C'est pour la vie" Je porte encore ton anneau d'or J'aimerais crier, ne plus pleurer Ca sert Ă  quoi ? Jamais tu ne reviendras. ParlĂ© Oh mon Amour, mon tendre Amour Ce soir encore je suis tout seul, un peu perdu. ÉpinglĂ©e sur le mur de notre chambre, en face de mon lit Il y a ta derniĂšre lettre, un peu froissĂ©e. Je la connais par coeur Voix de femme, parlĂ© Mon ChĂ©ri, cet enfant que je t'avais promis pour le printemps, Tu sais, nous l'appellerons ClĂ©ment. Je suis folle de joie, je pars ce soir Demain je serai dans tes bras, je t'aime Avec l'automne, les feuilles se sont fanĂ©es C'est en hiver que c'est arrivĂ©. Tu conduisais vite, la route Ă©tait verglacĂ©e Je crois qu'il neigeait, tu m'as quittĂ© Mais je ne t'oublie pas Paroles2Chansons dispose d’un accord de licence de paroles de chansons avec la SociĂ©tĂ© des Editeurs et Auteurs de Musique SEAM Tristes mots si touchants, Ramon Pipin rend hommage sur Facebook Ă  son camarade Costric Ier forcĂ©ment trop tĂŽt disparu. Nous n’oublierons jamais ses royales dĂ©connades
RIP ! Triste nouvelle
 Notre Grandissime Costric Ier s’en est allĂ©, nous laissant orphelins de son HumanitĂ©, de son Humour, de son Impertinence et de sa LibertĂ©. J’aurais eu le privilĂšge de crĂ©er avec lui le groupe Odeurs, partageant ainsi des instants de crĂ©ativitĂ© miraculeux et inoubliables. AprĂšs avoir fourni au Bonheur des dames quelques-unes de ses chansons-phare Laura, L’üle du bonheur nous avions dĂ©cidĂ© de cisailler les barbelĂ©s de la censure pour accoucher d’un premier album dont le merveilleux motto costriquien Ă©tait Odeurs frĂŽle le bon goĂ»t sans jamais y sombrer ». Et ouch ! Sur cet album figurent une version martiale de I want to hold your hand », le duo Ă©rotico-culinario-gainsbourien de Douce crĂšme », la complainte de l’hyper-viril Gros snob », l’hymne nationalo-dĂ©bilo-delpechien Youpi la France » sans oublier Je suis mou », Ode au printemps » le brĂ»lot fĂ©ministe chantĂ© par cette cantatrice meurtriĂšre, ChĂšque baby chĂšque » sur le mercantilisme de l’industrie musicale, l’anarcho-punkitude de Sex-bazooka » et l’éternel Vilain petit zoziau » dont je ne comprends toujours pas qu’il ne fasse pas partie du patrimoine obligĂ© des chorales enfantines. Toutes ces chansons sont le fruit de l’imagination sans limites de Costric, je ne m’occupais alors que de la partie musicale. Il s’embarqua ensuite dans l’écriture d’un opĂ©ra-rock Tommy Lobo » qui faillit devenir notre 2Ăšme album mais dont le sens m’échappe encore aujourd’hui et donc nous revĂźnmes Ă  un format plus traditionnel ? avec 1980 No sex ». Et lĂ  on ne pouvait plus arrĂȘter la bĂȘte !! Un chef-d’Ɠuvre avis personnel Couscous boulettium », y voisine avec des titres tels La viande de porc », Le stade nasal », Astrid », L’homme-objet » ou Quitte ou double » et La santĂ© par les plantes » ainsi que Rock Haroun Tazieff » oĂč l’auteur aborde des sujets majeurs tels les risques nuclĂ©aires, la nĂ©crophilie, la schizophrĂ©nie, la psychanalyse, le machisme etc. Il a mĂȘme Ă©crit une chanson sur les salsifis
 C’est dire si canaliser une telle dĂ©bauche crĂ©ative n’était pas toujours chose zĂ©zĂ©e. Aujourd’hui encore, le sens profond de certaines paroles m’échappe et je n’aurai pas eu l’occasion de lui demander des Ă©claircissements. Je cite » Si dans chaque homme y a un porc latent, dans chaque port y a une femme qui attend, dans chaque homme il y a donc une femme, le port de la jaquette est obligatoire ». Nous sommes sur une planĂšte lointaine
 Ses incursions anti-totalitaires allaient Ă©galement nous donner droit Ă  deux chansons inĂ©dites Le miĂšvre et la torture » pour le spectacle de Bobino en 80 et Les nouveaux Russes blancs » que nous jouions sur scĂšne Ă  l’Olympia en 81. Il parlait lĂ  de la sexualitĂ© outre-Mur et du procĂšs d’un pauvre moujik ayant pratiquĂ© des actes contre nature. Je ne rĂ©siste pas au plaisir d’en citer quelques extraits J’ai Ă©pousĂ© en Moldavie, Une Ă©tudiante en psychiatrie, Une vraie Russe non dĂ©colorĂ©e, Ses poils au blinis l’on prouvĂ©, Elle s’appelle Camarade Tania, Une sacrĂ©e paire de nichonska
 
 Je me suis autocritiquĂ©, Je ne suis qu’un bourgeois tarĂ©, J’avoue, je suis ƒdipe lui-mĂȘme, J’ai pratiquĂ© tous les blasphĂšmes, Oui, j’ai couchĂ© avec ma mĂšre Et bien sĂ»r que j’ai tuĂ© mon pĂšre ! Aaaaaaaahhhh
 
 Camarade Docteur a raison, Je suis en voie de guĂ©rison, Et bien attachĂ© dans mon lit, Je hurle Travail, Famille, Parti ! » Ô Russie, terre d’asile d’aliĂ©nĂ©s, Le fil de la pensĂ©e est barbelé  Refrain Allons Ă  Kaboul Soigner les mabouls, Pour le KGB, Et chez les Afghans, Soigner les dĂ©ments Pour le KGB. » VoilĂ . Sur scĂšne, Rita Ă©tait cachĂ© dans un poste de tĂ©lĂ© pour espionner ce contrevenant et Esno dans un lampadaire. Que de souvenirs Ă©patants
 Alors repose-toi bien Costric, tu m’auras ouvert l’esprit et fait mĂ»rir. Que des voix aujourd’hui telles que la tienne s’élĂšvent pour nous faire rire, la tienne me manquera. En revanche, j’aurais dorĂ©navant la chance de ne plus goĂ»ter ta cuisine immonde. Une derniĂšre anecdote Un soir oĂč Clarabelle et moi-mĂȘme Ă©tions invitĂ©s Ă  dĂźner, tu nous avais servi un truc genre gratin de maroilles » ou autre. devant tant de finesse culinaire, je t’avais demandĂ© d’oĂč tu tenais la recette et tu m’avais rĂ©pondu le plus sĂ©rieusement du monde C’était dans Paris Boum-Boum » hebdo gratuit de petites annonces parisien des annĂ©es 80. AmĂšne
 Ramon Pipin

chanson tu m avais dit pour le printemps